Protection sociale . Le gouvernement confirme sa décision de s’en prendre aux droits des salariés des régimes spéciaux. Un large mouvement de protestation s’annonce pour le 18 octobre.
L’affrontement. Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont confirmé hier leur ligne de conduite sur le dossier des retraites. Depuis Moscou où il est en visite, le chef de l’État a accusé le coup, hier, de la montée des mécontentements, qui pourrait se traduire spectaculairement lors de la journée d’action du 18 octobre, en prévoyant « une semaine difficile ». Mais pas question, pour lui, de changer son fusil d’épaule : « Je dis aux cheminots, aux électriciens, aux gaziers “vous ne pouvez pas cotiser 37,5 ans alors que tous les autres Français vont cotiser quarante ans”, a réitéré le président. Dans le même temps, à Paris, le ministre du Travail, Xavier Bertrand , a présenté aux syndicats un « document d’orientation » sur la « réforme » des régimes spéciaux. Nulle surprise dans ce texte qui décline les modalités d’un alignement, par le bas, des droits à retraite des travailleurs de la SNCF, la RATP et EDF-GDF.
Il fixe d’abord des « principes d’harmonisation », « non négociables », selon Xavier Bertrand, qui seront transposés dans un décret. En premier lieu, l’allongement de la durée de cotisation de 37,5 annuités à 40 ans d’ici à 2012. Serait également imposé un système de décote et de surcote (diminution, plus que proportionnelle, ou, à l’inverse, augmentation du montant de la retraite selon que le salarié n’atteint pas, ou dépasse, le nombre d’annuités exigées). Ainsi que l’indexation des pensions sur les prix et non plus les salaires. Quant au système de prise en compte de la pénibilité, il devrait être « modifié » pour les agents recrutés à partir du 1er janvier 2009.
DES PRINCIPES INACCEPTABLES .
Hormis ces points clés ne souffrant, selon lui, pas la discussion, le ministre renvoie plusieurs sujets à la négociation dans les entreprises concernées, notamment : la prise en compte de la spécificité des métiers à travers, notamment, « l’aménagement des conditions de travail, les éléments de rémunération, la gestion des parcours » ; l’instauration d’un complément de retraite, sur le modèle du « régime additionnel » créé dans la fonction publique pour tenir compte des primes, ou à travers « un dispositif d’épargne retraite de droit commun ».
Au sortir de la présentation, Jean-Christophe Le Duigou, pour la CGT, a jugé les principes « pas acceptables » et l’espace offert à la négociation « extrêmement réduit ». Une telle réforme provoquerait « une dégradation forte de la retraite des agents publics, avec pertes de pouvoir d’achat », a-t-il mis en garde. Tonalité semblable chez Bernard Devy, de FO, qui refuse l’allongement de la durée de cotisation. La CFTC se dit, elle, « en désaccord avec le délai » de cet allongement. Un souci exprimé aussi par Jean-Louis Malys, de la CFDT, qui trouve « un peu figé » le calendrier de passage de 37,5 ans à 40 ans. « On disait depuis longtemps à la CFDT que les régimes spéciaux devaient bouger (…) mais il faut que ça se fasse avec des contreparties pour les agents », a expliqué le dirigeant cédétiste, tout en affirmant qu’il « n’oppose pas la négociation à l’action ». Une référence à la journée du 18 octobre présente au demeurant dans l’ensemble des réactions syndicales. Il faut que « le mouvement de grève soit le plus fort possible » pour élargir le champ de la négociation, a souligné Jean-Christophe Le Duigou. La mobilisation s’annonce d’ores et déjà puissante dans les entreprises publiques directement visées par la réforme, mais elle pourrait dépasser largement leur périmètre. Au-delà des régimes spéciaux, c’est en effet l’ensemble du droit à la retraite qui se trouve dans le collimateur du tandem Sarkozy-Fillon. Le premier ministre a déjà déclaré son intention d’imposer, lors du rendez-vous de 2008, un allongement à 41 annuités, puis à 42 la durée de cotisation obligatoire dans le régime général pour bénéficier d’une retraite pleine et entière. Reste maintenant à savoir si, au-delà de la riposte à ces mauvais coups, le mouvement social en vue peut engager, comme le souhaite notamment la CGT, une contre-offensive pour conquérir, dans le respect des différents régimes, « un socle commun de garanties élevées pour tous », contenant, entre autres, un « vrai droit au départ à 60 ans », un haut niveau de pension et un droit au départ anticipé pour travaux pénibles. Le tout impliquant l’ouverture, enfin, du débat sur le nerf de la guerre, le financement, auquel MEDEF et Sarkozy se refusent toujours obstinément.
Yves Housson
l' Huma du 11 / 10 / 07
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