
A ce degré, il y a un problème. Toute confortée qu’elle soit par l’évidente estime que lui porte le président, elle doit bien mesurer tout de même que sa réforme ne passe pas et qu’il serait étonnant qu’elle soit seule contre tous à avoir raison.
Il est vrai, de prime abord, qu’il y a incohérence. La réforme dans un premier temps va coûter très cher. Vont être fermés des tribunaux que l’on vient de rénover ou de sécuriser. Et puis on voit mal comment on rapprocherait la justice des citoyens en éloignant les tribunaux. D’autant que les tribunaux d’instance, concernés au premier chef, 176 suppressions sur 473, sont ceux où s’exerce la justice de proximité. Il n’est pas anodin d’en citer certaines compétences. Ils jugent les saisies sur salaires, les affaires de loyers impayés, ils enregistrent les déclarations de nationalité française, ils établissent les certificats de nationalité... Il faudra donc que les justiciables fassent des kilomètres pour se rendre au tribunal ou simplement voir un avocat. Ils ne trouveront aucune structure de proximité qui leur permette de comprendre comment s’applique la loi alors qu’il s’agit dans ce type d’affaires des justiciables les moins rompus aux arcanes juridiques, parfois sans moyens de transport. Même chose pour les prud’hommes quand on sait les difficultés des salariés les plus modestes à se faire entendre. Combien de tous ceux là ne répondront pas aux convocations, renonceront à se défendre ou se retrouveront comme un personnage de Kafka perdus dans des couloirs dont les portes ne s’ouvrent pas.
Il est vrai que la Garde des Sceaux est un brin autoritaire. La réforme a été décidée sans concertation. Quelques ajustements ont semblé relever de l’arbitraire le plus total. Où est la démocratie quand on déclare réformer pour le bien de tous, quand tous s’y opposent ? C’est pour rendre une meilleure justice dit dame Dati. Faut-il comprendre alors que, comme les cheminots accrochés à leurs « privilèges », les acteurs du monde judiciaire sont tellement jaloux de leurs situations acquises qu’ils préfèrent une mauvaise justice à une bonne ?
La réforme de la justice n’est pas un jouet de Rachida Dati. C’est une réforme profonde, ambitieuse et dans la logique libérale. Elle va de pair avec un président qui entend commander aux magistrats. Avec la mise en place des peines planchers et leur application mécanique. Avec le ballon d’essai de la garde des Sceaux pour la suppression des franchises pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. Avec la dépénalisation des affaires concernant les chefs d’entreprise. Il s’agit d’une réforme éloignant les citoyens de leurs droits, d’une justice fonctionnant pour les plus modestes, comme une machine dont les rouages tournent sans état d’âme.
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