lundi 17 décembre 2007

Après les promesses,la matraque .

SANS-abri . Réunies autour des Enfants de Don Quichotte, qui ont tenté samedi d’installer un nouveau campement, les associations dénoncent le manque de moyens et de volonté politique.

Les Enfants de Don Quichotte sont amers, déçus et choqués. Un an après le campement du canal Saint-Martin, ils ont tenté, samedi, avec l’aide logistique de plusieurs associations (Croix-Rouge, Emmaüs, Fondation Abbé-Pierre) de dresser plusieurs dizaines de tentes le long de la Seine près de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Leur but : dénoncer les promesses non tenues et établir un campement dans lequel les sans-abri auraient pu bénéficier d’un suivi social. En retour, ils n’ont reçu des pouvoirs publics que coups de trique et gaz lacrymogènes.

Seule promesse tenue : l’évacuation

Il est « absolument insupportable de voir des gens non violents qui crient leur souffrance se voir matraqués. L’un est tombé à la Seine. Je suis profondément attristé par cette unique réponse, aujourd’hui répressive, d’intimidation, d’interdiction », a réagi le député (UMP) du Rhône, Georges Fenech. François Hollande a accusé de son côté Nicolas Sarkozy de ne « pas respecter sa promesse » d’un droit opposable au logement et « d’envoyer les forces de police punir, chasser, expulser ». Présents sur place, les élus communistes de Paris Jacques Daguenet et Catherine Gegout se déclarent « indignés ». Quant aux Don Quichotte, ils trouvent simplement cette « attitude lamentable et irresponsable. C’est par peur (de la réalité) que le pouvoir politique a utilisé la force face à des citoyens non violents ».

Car si le gouvernement de François Fillon a oublié de tenir les promesses du plan d’action renforcé pour les sans-abri (PARSA) lancé par Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin en janvier 2007, l’actuelle ministre du Logement, Christine Boutin, n’a pas trahi sa parole concernant l’évacuation systématique des campements de mal-logés. Vendredi, alors qu’un accord était intervenu avec les mal-logés de la rue de la Banque (lire page 3), la ministre prévenait : « On n’acceptera pas d’avoir des tentes, donc elles seront évacuées par les forces de police. » C’est chose faite.

Mais cette brutalité envers ceux qui, en début d’année, avait, par leur mobilisation, sensibilisé l’opinion publique et politique jusqu’à obtenir le vote d’une loi sur le droit au logement opposable, se double d’un déni de réalité flagrant. À écouter le ministère du Logement, « les promesses ont été tenues ». Et tant pis si, comme l’affirment l’ensemble des associations présentes samedi sur le parvis de Notre-Dame, moins de 14 000 places, sur les 27 100 promises en janvier dernier, ont été créées. Christine Boutin n’en démord pas, ajoutant même, hier : « La meilleure preuve, c’est que personne ne peut contester qu’il y a encore des places libres à Paris. » « Pendant la nuit, et aujourd’hui, je n’ai aucun retour de province me disant que des personnes qui souhaitaient être hébergées sont restées dehors. »

En réalité, s’il y avait bien des places encore disponibles dans la nuit de samedi à dimanche à Paris, c’est uniquement parce que le déclenchement du niveau 2 du plan grand froid a provoqué l’ouverture de gymnases et de salles municipales qui ne constituent qu’un abri d’urgence dans une situation d’urgence. Dès que les températures remonteront, ces places seront fermées et le problème restera entier. Jusqu’en début de semaine, précise le 115 parisien, plus d’une centaine de dossiers étaient refusés en moyenne quotidiennement rien que dans la capitale. Sans compter ceux qui ne prennent même plus la peine d’appeler… Et la situation en province est aussi dramatique. « Non, tout ne va pas bien, il faut continuer à travailler », affirme Éric Delhaye, président du SAMU social de Lille, en notant qu’« au quotidien plus de 120 personnes, 70 enfants et 50 adultes (…) sont dehors ou dans la rue » dans l’agglomération lilloise.

Les gymnases,un bond en arrière .

Mais au-delà des mensonges, ce sont aussi les réponses apportées aux sans-abri qui sont vivement critiquées. « Rouvrir des gymnases pour accroître les capacités d’accueil, c’est un bon en arrière de vingt ou trente ans », a estimé samedi Pierre Levené, secrétaire général du Secours catholique, qui s’est dit « atterré que Mme Boutin dise qu’il n’y a pas de problème d’hébergement. Nous gérons des centres, ils sont remplis à plus de 100 %. Il n’y a pas de places disponibles ».

« Il n’y a aucune fatalité à cette situation, qui n’est que la conséquence d’une insuffisante mobilisation par l’État des moyens techniques et financiers nécessaires », rappelaient hier les Don Quichotte.

Cyrille Poy

l' Huma du 17 / 12 / 07

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