Assemblée nationale . La recodification du Code du travail est achevée. Elle inquiète des syndicalistes, qui craignent de voir la jurisprudence fragilisée.
La jurisprudence en droit du travail va—t-elle se retrouver fragilisée par le nouveau Code ? C’est ce que pensent certains syndicats, alors que le chantier de la reco- dification du Code du travail, lancé fin 2004, arrive à son terme. L’Assemblée - nationale devrait ratifier aujourd’hui la partie législative du nouveau texte. Présentée par le gouvernement comme une opération « à droit constant », cette adaptation du texte codifié en 1973 avait pour objectif d’améliorer le « plan » et la « rédaction » du Code pour le rendre « plus facilement accessible et consultable ».
Pourtant, le nouveau texte, qui doit entrer en vigueur en mai prochain, ne convainc pas tous ses futurs usagers. C’est que les recodificateurs ne se sont pas contentés de supprimer la mention pittoresque des « chambres d’allaitement ». Les choix opérés pour recodifier le texte (lire page 4) sont susceptibles de modifier, sinon le sens du texte, au moins son interprétation. Comme la convention selon laquelle le présent de l’indicatif a une valeur impérative. Une règle anodine en apparence, mais qui risque d’affaiblir les obligations qui pèsent sur les employeurs.
conforme au discours patronal
Autre exemple, des modifications dans l’architecture du texte risquent d’influencer la lecture des juges. Ainsi le licenciement économique se retrouve dans la partie consacrée aux relations individuelles de travail, au risque de figer une jurisprudence contestée. « On tend à valoriser le licenciement individuel, au détriment des dispositions sur l’appréciation par le juge du motif économique du licenciement ou sur le plan de sauvegarde de l’emploi », s’alarme Marie-Françoise Lebon-Blanchard, membre du Syndicat de la magistrature. Qui voit là une évolution conforme au discours patronal qui milite pour écarter le juge des affaires de l’entreprise. Sur ce thème, « la définition du motif économique du licenciement et l’obligation de reclassement sont désormais séparées », regrette Isabelle Taraud, membre de la commission sociale du Syndicat des avocats de France. « Or la construction des textes a un effet sur la réflexion du juge. » Et le rapprochement de ces dispositions avait permis de construire une jurisprudence protectrice pour les salariés.
La CGT a saisi le Conseil d’État
Florence Quentier, du service juridique de la CFDT, est plutôt satisfaite du nouveau texte, qu’elle trouve plus lisible et plus facile à utiliser. Aura-t-il des effets sur le travail des juges ? « C’est possible. » La CGT a saisi le Conseil d’État pour contester l’ordonnance du 12 mars 2007 relative à la recodification. Philippe Masson, responsable du service juridique de la confédération, s’indigne de l’absence de débat public - et parlementaire - sur une question aussi importante. Marie-Christine Albaret, expert auprès du pôle emploi formation de la CFE-CGC, se dit « inquiète » de la manière dont les juges liront ce texte élaboré dans la « précipitation ». Elle conteste également « l’harmonisation à la hausse des seuils d’effectifs concernant la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, regrettable au moment où on parle de sécurisation des parcours professionnels et de formation ». Et demande, comme l’ensemble des syndicats, une augmentation des ressources allouées à la formation des conseillers prud’homaux, grands utilisateurs du Code.
C’est que l’année 2008 est plutôt mal choisie pour imposer un texte totalement chamboulé : c’est l’année des élections des conseillers de prud’hommes, qui risquent de voir leur tâche singulièrement compliquée. « Des élus nouvellement élus, une recodification sans moyens supplémentaires, après une réforme visant à réduire le temps de rédaction des jugements aux prud’hommes : cela fait beaucoup », estime un syndicaliste. Sans oublier la réforme de la carte judiciaire qui prévoit la suppression de 63 conseils de prud’hommes…
Les partenaires sociaux examinaient la semaine dernière les projets de réécriture de la partie réglementaire du Code. « Comme pour la partie législative, nous ne serons pas informés sur le texte définitif avant sa promulgation, annoncée pour février », regrette Philippe Masson.
Lucy Bateman
l' Huma du 04 / 12 / 07
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