Par Jérôme Leroy le mardi 29 avril 2008, 04:25 - Lien permanent
On a beau savoir que seul l’optimisme est révolutionnaire, il est difficile, certaines semaines, de ne pas sombrer dans ce qu’on pourrait appeler le syndrome Fort Alamo. Vous vous souvenez, ce western avec John Wayne et Richard Widmark ? Trois cents Texans récemment indépendants contre cinq mille Mexicains ; trois cents Texans cernés dans un fort en ruine Pendant les trois heures du film, ils résistent héroïquement aux charges successives de l’ennemi, tombent les un après les autres et finissent complètement massacrés. Ils ont attendu sans espoir les renforts du général Houston qui n’est pas venu et qui arrivera trop tard pour les sauver.
Bon, première charge sur Alamo : déremboursement des lunettes. Peut-être que le gouvernement à peur que le peuple voie trop bien ce qui se passe. Qu’il se rassure, le gouvernement : TF1 et les journaux gratuits suffisent largement à entretenir une myopie politique voire un aveuglement définitif.
Deuxième charge : déremboursement sur les soins dentaires. Plus malin, sans doute. Les filles cesseront de sourire et iront bosser. Quant aux sales Rouges hargneux, aux syndicalistes, ils ne pourront plus mordre. Troisième charge : on refait la carte hospitalière comme on a refait la carte judiciaire, à la hache, à la tronçonneuse, à la machette, au hachoir. Va accoucher plus loin, feignasse ! Et prends ta bagnole pour qu’on aille te soigner ton infar… T’avais qu’à vivre dans une grande ville, eh, paysan ! Colonel Dati, colonel Bachelot, vous avez bien mérité du libéralisme : ce n’est plus de l’aménagement du territoire, c’est du carnage. Pas du genre, à faire du prisonnier, les furieuses.
À un moment, dans Fort Alamo, le vrai, le film, les assiégés tentent une sortie nocturne et réussissent à faire sauter un gros canon de l’armée mexicaine. Le gros canon qu’on a fait sauter, c’est la communauté urbaine de Marseille, passée à gauche contre toute attente. La tête de Gaudin et Muselier se demandant qui les a trahis : la seule consolation de la semaine. Mais enfin l’armée mexicaine ne se laisse pas démoraliser et c’est la quatrième charge : pour un patron libéral, le chômeur est considéré sous l’angle économique comme une variable de gestion et sous l’angle humain comme un paresseux qui boit ses allocs aux PMU.
On va changer ça : au bout de deux propositions acceptables, ou tu bosses de nouveau ou on te raye des statistiques. Une proposition acceptable par exemple, c’est de demander à un jardinier de Wasquehal de devenir poissonnier à Boulogne ou à une ingénieure en systèmes automatisés de Villeneuve d’Ascq de devenir go-go danseuse dans une boîte de la côte d’Opale.
Ensuite, évidemment, le rythme des assauts s’accélère, vu le peu de résistance rencontrée. Cinquième charge : suppression des majorations des allocations familiales pour les adolescents. Sixième charge, la dernière pour l’instant : un livre blanc sur les fonctionnaires pour dire que les fonctionnaires, c’est pas beau, c’est cher, ça sert à rien et on devrait pouvoir les virer comme n’importe quel cueilleur saisonnier. Bien entendu, c’est un fonctionnaire qui a écrit le livre blanc en question. Mais un haut, un qui a fait les écoles. Pas un guichetier de la poste qui se suicide à cause du harcèlement. Il a de la chance qu’on ne rembourse plus les lunettes, celui-là, un certain Silicani, parce que si on le reconnaissait dans la rue… Bon, s’il y a encore des survivants dans les ruines, qu’ils lèvent le doigt… Ah, je vois des lycéens… Ce sont peut-être eux les renforts : il paraît que le communisme est la jeunesse du monde. Ce ne serait pas mal, par les temps qui rampent, que la jeunesse du monde devienne communiste. Juste un peu.
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