Bolivie . Le président a été confirmé dimanche dans ses fonctions avec plus de 63 % des suffrages lors du référendum révocatoire. Les gouverneurs sécessionnistes maintiennent leurs positions.
Evo Morales a remporté, malgré les provocations et le climat d’hostilité entretenu par la droite, une victoire sans appel, dimanche, lors du référendum révocatoire, le confirmant dans ses fonctions de président. Lors de cette élection destinée à sortir le pays de l’enlisement politico-institutionnel, les Boliviens devaient notamment répondre à la question : « Êtes-vous d’accord avec le processus de changement lancé par le président Evo Morales Ayma et le vice-président Alvaro Garcia Linera ? » Plus de 63 % des électeurs, selon les premiers résultats annoncés par les chaînes de télévision ATM et PAT, ont exprimé leur satisfaction à l’égard des deux dirigeants, promoteurs avec le parti MAS (Mouvement vers le socialisme) d’un projet de transformation politique et sociale. Les départements de l’ouest du pays, indigènes et pauvres, ont massivement soutenu le président Morales, le « oui » avoisinant les 80 % dans celui de La Paz, le plus peuplé de Bolivie. Evo Morales est également arrivé en tête dans quatre autres départements : Potosi, Oruro, Cochabamba et Pando.
un combat séparatiste
À l’inverse, le « non » a été majoritaire dans les quatre départements de la Demi-Lune de l’Est qui ont mené une guerre d’usure contre le pouvoir central ces derniers mois en organisant des référendums en faveur de l’autonomie. Ces scrutins, d’ailleurs, avaient été jugés illégaux par le président bolivien, qui avait alors annoncé la tenue d’un référendum remettant en jeu tous les mandats, non seulement le sien mais aussi ceux des préfets. Les scores obtenus par ces derniers dans ces régions riches de l’Orient bolivien, aux mains de la droite et de l’oligarchie, consacrent la polarisation de la Bolivie. Nul doute que leurs larges scores pourront difficilement les dissuader de poursuivre leur combat séparatiste. Le principal adversaire du président, le gouverneur-caudillo de Santa Cruz, Ruben Costas, a été confirmé à son poste, tout comme ceux de Beni et Tarija, qui ont eu des résultats supérieurs à 60 %. Dans le département de Pando, autre brèche séparatiste dans le ciment national, le gouverneur a été reconduit à son tour mais il est à noter qu’Evo Morales a tiré son épingle du jeu dans cette région en totalisant 54 % des suffrages. Deux adversaires politiques du gouvernement ont perdu : Jose Luis Paredes (social-démocrate) à La Paz et le gouverneur de Cochabamba, Manfred Reyes, l’un des fers de lance de la sécession. Cet ancien officier ne veut pas reconnaître aujourd’hui le référendum et a déclaré rester à son poste, malgré sa défaite. En revanche, le gouverneur d’Oruro, partisan d’Evo Morales, n’a pas été réinvesti.
Le climat plombé de ces dernières semaines avait fait craindre le pire sur le déroulement du référendum. Or le ministre de l’Intérieur, Alfredo Rada, a affirmé que le scrutin a eu lieu dans le calme, évoquant des « incidents isolés ». La nuit dernière, depuis le palais présidentiel, Evo Morales a déclaré à la foule qui fêtait la victoire qu’il demeurait à son poste « pour avancer dans la récupération des ressources naturelles et consolider la nationalisation ». Il a aussi présenté ses « respects aux gouverneurs » réélus, dont cinq sont parmi ses plus farouches opposants. De son côté, le gouverneur de Santa Cruz, Ruben Costas, proclamant la victoire de « l’autonomie », a demandé au gouvernement de ne « pas promouvoir son projet de Constitution, sinon il sera dans une impasse ».
calmer la fièvre autonomiste
Car tel est désormais l’enjeu. Pour sortir la Bolivie de l’impasse politique et de la division, Evo Morales, trente-deux mois après son arrivée au pouvoir, devra calmer la fièvre autonomiste et empêcher les oligarchies de faire main basse sur la rente pétrolière, gazière et agricole. Surtout, la nouvelle Constitution attend le vote populaire pour être sanctionnée. Bien que rompant avec le modèle libéral passé (nationalisations des ressources naturelles, réforme agraire devant mettre fin aux latifundia, entre autres), elle est loin d’emporter l’adhésion de tous, à commencer par ceux qu’effraient les promesses d’une meilleure répartition du gâteau, en matière de salaires, de retraite, d’éducation ou de santé. Les richesses du pays doivent-elles servir à enrichir les riches et les multinationales ou bien à développer le pays et à vaincre la pauvreté ? Après le référendum, la question reste posée.
Bernard Duraud
l' Huma du 12 / 08 / 08
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