mercredi 13 août 2008

Pas de trêve estivale pour les grévistes de Griallet


Sans-papiers . Au 90e jour d’occupation pour leur régularisation, la mobilisation des travailleurs de cette entreprise de démolition montreuilloise (Seine-Saint-Denis) ne faiblit pas.

« Même dans les films, je n’ai jamais vu ça. » Face à un parterre de journalistes et de responsables associatifs, Abdoulaye Traoré, travailleur sans papiers, témoigne. Son patron, Jean-Luc Griallet, gérant de la société éponyme

à Montreuil (Seine-Saint-

Denis), lui aurait affirmé que ses chiens étaient dressés contre les Noirs… Comme au temps de l’apartheid en Afrique du Sud. C’est dire si la situation est conflictuelle, entre les salariés en grève de cette société de démolition et leur employeur. Depuis le 22 mai, ils sont 21, dont 19 Maliens sans papiers, à occuper nuit et jour leur entreprise pour exiger leur régularisation.

des témoignages accablants

Agressivité verbale, propos racistes, menaces… Les témoignages des salariés contre leur employeur sont accablants. Tous affirment avoir été exposés à l’amiante et au plomb sans en être informés et sans protections adéquates. « Ce que nous avons subi… Je ne peux pas tout expliquer, poursuit Abdoulaye Traoré. Nous n’avons rien à nous reprocher. Monsieur Griallet n’a pas la sagesse de l’âge, il continue à mentir et à faire tourner ses chantiers comme si de rien n’était. »

Depuis le début du mouvement, l’employeur réclame l’expulsion par la force des salariés sans papiers. Début juin, le tribunal de grande instance de Bobigny l’avait débouté. Mais, coup dur pour les grévistes, le tribunal a finalement ordonné leur expulsion pour le 4 septembre. « C’est scandaleux, dénonce Richard Delumbee, responsable CGT. Nous allons faire appel de cette décision et, en attendant, nous continuons la lutte et demandons à monsieur Griallet de négocier avec nous. »

les soutiens se font plus rares

Si les grévistes se disent « déterminés » à aller au bout, au 90e jour de grève, ils avouent aussi que le moral n’est pas très bon. « Avec l’été, les soutiens se font plus rares, dit Moussa Diarra. Et surtout, rien n’avance. » Mauvaise nouvelle, la municipalité, qui a fourni des toilettes chimiques et l’arrivée d’eau, arrête la distribution des repas qu’elle fournissait midi et soir depuis le début du mouvement. « Ces plateaux achetés chez un traiteur ont déjà coûté 40 000 euros sur le budget du CCAS (centre communal d’action sociale - NDLR), justifie Claude Reznik, conseiller municipal. La caisse est presque vide, on ne peut pas continuer. On va essayer de trouver une autre solution, peut-être avec les foyers. »

Les soutiens, associatifs et politiques, sont nombreux. Jean-Pierre Brard, député de Montreuil, énumère les let- tres qu’il a envoyées sans retour au ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, ou au préfet de Seine-Saint-

Denis pour dénoncer cet employeur « délinquant ». « Je n’ai pas peur de le dire, je ne suis pas tenu au devoir de réserve, a poursuivi l’ancien maire. Monsieur Griallet organise l’emploi des sans-papiers avec des changements d’identité et le juge passe, avec armes et bagages, de son côté. » Les grévistes et leurs soutiens se sont donné rendez-vous aujourd’hui, à 14 heures, devant l’inspection du travail de Bobigny avec les salariés sans papiers également en grève de la société de nettoyage Alfa services, au Bourget. Depuis dimanche matin, Jean-Luc Griallet n’a plus réapparu. Il restait injoignable hier après-midi.

Marie Barbier

l' Huma du 12 / 08 / 08

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