Droit . La parution de deux décrets autorisant l’inscription sur le livret de famille de foetus mort-nés inquiète les organisations féministes.
Une parution discrète qui va faire du bruit. Vendredi dernier, deux décrets ont été publiés au Journal officiel, autorisant les parents de foetus mort-nés à les inscrire à l’état civil, sans délais minimal de gestation, et, nouveauté, à les mentionner, avec leur prénom, dans le livret de famille. Ces textes réglementaires permettent donc de déclarer une mort anténatale, quel que soit le niveau de développement de l’embryon ou du foetus. Officiellement, il s’agit d’accompagner le deuil des quelque 5 000 couples qui perdent, chaque année, un futur enfant. Mais pour beaucoup cette publication en catimini est un pas de plus vers la reconnaissance juridique des foetus.
Décision controversée
L’affaire remonte à 2005. À l’époque, trois couples saisissent en même temps la cour d’appel de Nîmes (Gard) pour obtenir une « déclaration d’enfant sans vie ». Le rejet de leurs demandes est alors motivé par une circulaire ministérielle parue en 2001 conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celle-ci préconise que la reconnaissance de la mort ne puisse se faire qu’à partir de vingt-deux semaines de gestation et à condition que le foetus pèse au moins 500 grammes. Seulement voilà : en février dernier, la Cour de cassation annulera la décision de la cour d’appel de Nîmes et donnera raison aux plaignants. À la surprise générale. Argument principal : l’article de référence du Code civil, datant de 1993, ne fait pas mention de ces dispositions…
Menace sur le droit à l’avortement
Les deux décrets entérinent maintenant cette décision controversée. Provoquant - un peu plus - l’inquiétude des associations féministes qui dénoncent le flou entretenu entre les statuts d’embryon, de foetus et d’enfant. Pour Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial, ces décrets sont tout bonnement « catastrophiques ». « Ils érigent des projets d’enfants en personnalité, y compris dans les délais légaux de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) », souligne-t-elle. L’association reproche, par ailleurs, à ces textes de faire de la souffrance une norme. « Cette décision permet d’entériner le statut de victimes des couples ayant perdu un embryon ou un foetus, et par là même, de montrer du doigt ceux qui choisissent l’IVG ou qui ne souhaitent pas afficher leur souffrance par un biais légal. »
Au-delà des considérations éthiques, les associations tirent la sonnette d’alarme et insistent sur le danger que ces textes font courir au droit à l’avortement. Marie-Pierre Martinet souligne ainsi le rôle des associations proches des mouvements « pro-vie », qui ont appuyé les familles lors du pourvoi en cassation. Pour Sabine Salmon, présidente de l’association Femmes solidaires, c’est encore plus clair : « Sous couvert d’apaiser la peine des familles, ces décrets ouvrent la porte à la remise en cause de l’IVG. »
Alice Cloiseau
l' Huma du 26 / 08 / 08
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