Explication de vote par Roland MUZEAU, Député PCF des Hauts-de-Seine, porte parole des députés Communistes et Républicains
Nous avons eu maintes fois l'occasion de vous le dire au cours de ce débat, Monsieur le Haut Commissaire, nous aurions pu nous laisser séduire par le principe du RSA, si vous n'aviez accepté d'avaler autant de couleuvres et si le RSA n'était lui-même devenu au fil du temps et de votre participation au gouvernement tout autre chose que ce que les travaux de la commission que vous animiez en 2005 pouvait laisser espérer.
Le RSA n'est plus l'outil de lutte contre la pauvreté qu'il se promettait d'être. Il n'est devenu qu'un dispositif de plus dans la stratégie gouvernementale de casse du droit du travail et de précarisation de l'emploi.
Le RSA se situe désormais dans la continuité des dispositifs qui tels la Prime pour l'emploi ou les exonérations de charges patronales sur les bas salaires ont contribué au développement du phénomène contre lequel il prétendait lutter, celui de la pauvreté laborieuse.
Vous ne proposez en effet, au fond aujourd'hui, que d'en remettre une couche, que d'inciter les entreprises à proposer des petits boulots mal payés, avec la bénédiction et l'appui financier de l'Etat, c'est à dire qu'en échange de quelques dizaines d'euros supplémentaires, les allocataires du RSA seront demain contraints d'accepter n'importe quel petit boulot, n'importe quelles conditions de travail et devront par surcroît renoncer à tout espoir de sortir un jour de la précarité. Nous ne voyons donc pas bien en quoi votre mesure constitue un progrès !
Soulignons-le avec force, nous ne pouvons accepter le chantage politique auquel vous vous livrez ni ne pas dénoncer l'imposture qui consiste à présenter le RSA comme une révolution sociale, alors qu'il va conduire à enfermer toujours davantage les 7 million de travailleurs pauvres dans la pauvreté et la précarité, sans connaître aucune amélioration sensible de leurs conditions de vie.
Vous prétendez que le RSA va permettre de réduire la pauvreté. Comme beaucoup, nous contestons cette analyse. A court comme à long terme, l’effet du RSA sera quasiment nul. Rien n’est prévu, en effet, pour les millions de bénéficiaires de minima sociaux qui ne sont et ne seront pas en situation de reprendre un emploi, à commencer par les personnes âgées pauvres, ni pour les 18-25 ans et les chômeurs non ou peu indemnisés.
Le RSA est ensuite insuffisamment doté. Les quelques 1.5 milliards d'euros dont il est question, et qui auront suscité tant de débats, demeureront insuffisants à permettre aux bénéficiaires d'espérer davantage en travaillant que le seuil de pauvreté, que vous érigez semble-t-il au passage en une forme de SMIC des pauvres !
J'ouvre une parenthèse pour souligner que le débat sur le financement du dispositif aura été éclairant. Il aura permis à nos concitoyens d'observer combien le gouvernement et sa majorité sont viscéralement attachés à préserver les intérêts de la caste de privilégiés pour laquelle ils travaillent, ces fameux cadre de la City, sur la situation desquels Mme Lagarde appelle si souvent à verser une larme, et qu'il conviendrait d'exonérer de toute participation à l'effort de solidarité nationale. Que nous en venions, en République, à considérer que les privilégiés constituent une classe de citoyens à part, qui n'ont aucun devoir, quand on exige par ailleurs des plus pauvres qu'ils renoncent à leurs droits élémentaires, donne le sentiment d'une perte totale des repères essentiels à la cohésion sociale et à la vie de la Nation.
Le RSA se fonde du reste sur l'idée non moins scandaleuse que les personnes privées d'emploi ne sont pas suffisamment incitées à retrouver du travail, ce qui revient à dire que d'une manière ou d'une autre les personnes privées d'emplois sont responsables de leur situation, que l'inactivité est un choix.
Alors que chaque semaine, des milliers de nos concitoyens sont victimes de plans de licenciement, se trouvent privées d'emploi sans que la situation de leur entreprise ne le justifie, cette présentation du chômage est indécente. Avec le RSA, vous ne proposez en outre à ces salariés licenciés que de connaître demain le sort des millions de salariés pauvres, de vivre d'expédients… C’est une politique de pérennisation des petits boulots et du temps partiel subi. Nous en refusons catégoriquement les orientations et la philosophie.
Ce dont notre pays a besoin, ce que nos concitoyens attendent, ce n'est pas que vous incitiez les entreprises à proposer des petits boulots et contraignez les plus pauvres à les accepter, c'est une authentique politique de l'emploi.
La priorité doit être aujourd'hui au relèvement des minima sociaux, au relèvement du SMIC, à la lutte contre l'emploi précaire, à l'amélioration des conditions de travail, à l'amélioration de l'offre de formation, à l'allocation de moyens décents aux politiques d'insertion…
Au prétexte de venir en aide aux plus pauvres, vous ne proposez aujourd'hui que de faire peser sur eux de nouvelles contraintes, de nouvelles sujétions. Or la pauvreté est l'affaire de tous. Elle implique que l'Etat prenne ses responsabilités et qu'il exige également des entreprises que celles-ci prennent les leurs.
C'est parce que nous refusons que le temps partiel court demeure l'unique horizon des politiques de l’emploi, l'unique perspective offerte aux salariés privés d'emploi, que le « travailler peu pour gagner peu » se fonde en principe de la lutte contre la pauvreté, que les députés communistes et républicains voteront avec fermeté et conviction contre ce texte.
Nicolas Maury
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