Par Régis TRILLES le mercredi 4 mars 2009, 22:00 - Economie - Lien permanent
C’était du bluff. Nicolas Sarkozy semble bien s’être comporté face aux salariés de l’automobile et aux Français comme un joueur de poker d’arrière-salle mettant en gage sur la table, disons, sa Rolex. Souvenons-nous. Le plan de soutien à l’automobile devait être assorti de sévères garanties, dont l’engagement de ne pas délocaliser. Moins de trois semaines après, il faut bien peser la déclaration de l’exécutif européen après le Conseil extraordinaire de samedi. « Les conventions de prêt avec les constructeurs automobiles ne contiennent aucune condition relevant de la localisation de leurs activités ou de l’approvisionnement en priorité auprès de fournisseurs installés en France. »
Les garanties de Nicolas Sarkozy n’ont pas tenu vingt jours. La Rolex était en toc. Et s’il n’a pas menti voici trois semaines, c’est qu’il s’est couché samedi, sans combattre, pour se laver du prétendu péché de protectionnisme… Mais pas sans tricher, puisqu’il affirmait, aussitôt, toujours avec le même aplomb, que les aides aux grands groupes de l’automobile profiteraient à toute l’Europe. C’est encore et très précisément ce qu’il avait rejeté auparavant non sans une de ses sorties fanfaronnes de rodomont, en rejetant toute délocalisation « en Tchéquie par exemple ». Et ce serait maintenant pour le bien de tous !
Tricherie encore puisque, non seulement le Conseil extraordinaire n’a pas même accouché d’une souris pour une vraie relance en Europe ou pour une aide réelle au secteur de l’automobile, mais il a, au contraire, tenu à réaffirmer son dogme fondateur : la concurrence libre et non faussée.
Face à la crise, face aux doutes, face à des dizaines de millions de salariés qui refusent de payer la crise d’un capitalisme gorgé de ses profits au point de s’étouffer lui-même comme un moteur noyé, le Conseil européen, en vrai conseil d’administration du grand capital qu’il est, redoute l’hérésie, traque le soupçon, pourchasse la faiblesse et l’erreur.
C’est la Sainte Ligue du dividende qui, en dépit de ses proclamations aux peuples, poursuit sa mission. Il faut sauver ce système et, surtout, ne rien changer sur le fond. C’est dans le même temps un aveu de faiblesse. Il s’agit d’être d’autant plus ferme sur les principes qu’il y a péril en la demeure du veau d’or. L’accord conclu en Allemagne en faveur des salaires des fonctionnaires en témoigne.
Les luttes d’un courage exceptionnel des populations de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion sont certes liées à des conditions particulières, mais elles sont bien aussi des soulèvements face à une crise que ces conditions rendent encore plus violente.
En France, la tension ne faiblit pas. Nous sommes entrés dans une crise sociale profonde qui est aussi une crise politique. On sait ce qu’il en est de la cote du président, mais l’attitude des Français vis-à-vis des mouvements sociaux, leur accord avec les revendications et les propositions - oui, les propositions - des syndicats est encore confirmé par un sondage sans doute sans précédent. 58 % des cadres, dont le moral est en chute libre, soutiennent les mouvements sociaux en cours, dont celui du 19 mars, et 85 % pensent qu’ils vont être de plus en plus importants. Et que faut-il comprendre dans ce même sondage de la chute de leur « indice de motivation » ?
Et si la finalité même des entreprises, aujourd’hui, tournée vers la finance et les actionnaires, était, entre autres, en cause ? Le pouvoir ne peut bluffer tout le temps. Il le pourra d’autant moins que se feront des rassemblements à gauche, qui ne soient pas la guerre des places au lieu de la lutte des classes, ni une opposition sans lendemain. Il faut faire front.
jeudi 5 mars 2009
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