lundi 3 août 2009

Pendules .

Editorial par Michel Guilloux

La pendule fera-t-elle mentir Barack Obama, lui qui, lors de son discours d’investiture au début de l’année, déclarait qu’« il est bien fini le temps de l’immobilisme, de la protection d’intérêts étroits et du report des décisions désagréables » ? Parmi les défis de civilisation qu’il assignait à son pays et à sa politique, l’accès de tous aux soins, comme dans sa campagne, revenait en leitmotiv. Que dans le pays le plus puissant de la planète, 47 millions d’habitants soient privés de toute couverture sociale, et qu’il suffise de perdre son emploi pour se retrouver dans la même situation tandis que, pour des millions d’autres, le racket des assurances privées tourne à plein régime, l’argument avait de quoi faire mouche, et encore plus avec l’ampleur de la crise financière. Le nouveau président des États-Unis entendait amener un peu plus de justice sociale dans l’accès aux soins et d’équité dans leur financement. Des mesures qui seraient un progrès au pays du libéralisme sauvage de l’après-Bush, et dont il faut bien être de ce camp-là pour y voir l’irruption du « communisme » !

Toujours est-il que, l’été entamé, sa réforme phare est enlisée dans les sables, grâce à l’action négative d’une poignée d’élus de son camp, issus de zones rurales peu concernées par l’ampleur du problème, dont on apprend que les campagnes ont été subventionnées par les lobbies intéressés à « la protection de leurs intérêts étroits » et à « l’immobilisme » en la matière. Celui qui a été élu pour trouver de nouvelles frontières au rêve américain espère que cela sera voté « à l’automne » ou « d’ici à la fin de l’année ». Devant la montagne d’amendements déposés par les partisans de la concurrence libre et non faussée appliquée à la santé, il restera à mesurer la nature du texte qui serait adopté alors par rapport aux ambitions initiales. Quand on apprend, par le ministre de la Justice de l’état deNew York, que neuf des plus grandes banques américaines totalisant 80 milliards de dollars de pertes en 2008, renflouées de 175 milliards de dollars par la nouvelle administration, ont pu verser 33 milliards de bonus à leurs golden boys, comme si de rien n’était, le report annoncé du vote sur la réforme de l’accès aux soins est un nuage de taille qui assombrit ce début d’une présidence dans laquelle tant d’Américains ont placé d’énormes espoirs.

Lors de sa participation au sommet de l’OTAN à Strasbourg début avril, le nouvel hôte de la Maison-Blanche établissait une comparaison envieuse entre l’état actuel de la protection sociale outre-Atlantique et le modèle français. Ce ne fut sans doute pas là le morceau préféré de son homologue élyséen, dont l’horloge politique va à rebours de cette ambition affichée de progrès social. Franchises médicales, forfaits de toutes sortes en hausse, dizaines de milliards d’euros d’exonérations cadeaux aux patrons, autant en moins pour la Sécu, loi Bachelot ouvrant l’hôpital public aux critères de rentabilité et aux appétits privés… Avec une droite tout à sa contre-révolution conservatrice, la France devrait adopter à marche forcée le modèle qui a scellé la défaite de George Bush junior et que condamne la crise financière. Il faudra bien remettre les pendules à l’heure.

l'Huma du 03 / 08 / 09

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