dimanche 6 juin 2010

Sarkozy impose un coup de force contre les enfants .

L’Élysée a enjoint les sénateurs de revenir sur leur vote qui garantissait le maintien de l’institution du défenseur des enfants, mise en place par la gauche en 2002, y voyant sans doute un contre-pouvoir gênant ses projets liberticides.

Il y a du Badinguet dans cet homme-là. Du coup d’État permanent. Les libertés ou les contre-pouvoirs du peuple deviennent gênants  ? On s’arrange pour les diluer. Qu’importe la volonté des parlementaires  : ceux-ci, à droite, sont déjà croupions.

Pour de prétendues économies de fonctionnement, le gouvernement avait concocté un texte ligotant dans un même organisme des institutions – créées pour l’essentiel sous les gouvernements de gauche – garantes d’un certain nombre de libertés et de droits constitutionnels. Un défenseur des droits, construit suivant la logique du médiateur de la République qui, du coup, disparaît, devait absorber dans un insipide gloubi-boulga la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le défenseur des enfants, ainsi que la Halde, (Haute Autorité de lutte contre les discriminations), agissant jusque-là sur leur terrain respectif. Une véritable usine à gaz extrêmement complexe avec un responsable du secteur enfance révocable à tout moment, donc amovible au fil du vent. Un projet dénoncé par la gauche et à ce point régressif que les sénateurs de droite avaient dû faire voter mercredi, par 175 voix contre 160, des amendements au projet gouvernemental en mettant les droits des enfants en dehors de cette nouvelle structure vouée à l’impuissance.

Spécificité de la souffrance des mineurs

Patatras  ! Nicolas Sarkozy a remis de l’ordre en enjoignant aux sénateurs de sa majorité de revoter pour rétablir un texte liberticide. Exit l’institution de défense des droits des enfants, coupable de s’être notamment émue de la spécificité de la souffrance des mineurs. Si cette pratique respecte le règlement de cette assemblée, elle n’en est pas moins inhabituelle. « Des tractations ont eu lieu au sein de la majorité pour éviter des ratés dans ce débat qui a donc été tranché ailleurs, avec l’intervention de l’exécutif, sans doute au plus haut niveau », a commenté la sénatrice (PCF) Nicole Borvo Cohen-Seat. « Je ne comprends pas pourquoi on veut mettre le Parlement à genoux devant le monarque », a estimé Alima Boumedienne-Thiery (Les Verts). « C’est une manière de bafouer notre assemblée, qui a délibéré longuement sur cette question », s’est insurgé Jean-Pierre Sueur (PS). Ce coup de force sarkozyste ainsi que le revirement des sénateurs UMP à la botte font grand bruit, bien au-delà de l’enceinte du palais du Luxembourg. L’ancien garde des Sceaux Robert Badinter dénonce « une dérive constante depuis 2007 », vers « une monocratie » où « l’essentiel des pouvoirs législatifs comme exécutifs sont dans la main du président de la République ». Il parle « d’une scène pitoyable où on voit des élus accepter de manger leur chapeau ».

Nicolas Sarkozy enterre une deuxième fois Victor Hugo.

Dominique Bègles

l'Huma du 5 / 05 / 10

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