lundi 15 novembre 2010

Ripostons,proposons : salle comble à Japy .

Par Pierre BOUKHALFA le mardi 9 novembre 2010, 22:37 - Pierre Laurent - Lien permanent

A l’appel du PCF, mille personnes s’étaient donné rendez-vous lundi 8 novembre au Gymnase Japy, dans le 11ème arrondissement de Paris.

Une soirée de lutte et d’échanges autour des propositions alternatives portées par le PCF qui témoignait de la combattivité intacte des militants présents. Deux jours après la huitième mobilisation nationale contre la réforme des retraites, le moment était d’importance. Il s’agissait aussi de faire le point sur le débat à gauche, les prochaines échéances politiques et sociales, pointer l’importance du développement du Front de Gauche et du PCF et de tracer des perspectives politiques face à une droite toujours aussi déterminée à multiplier les mauvais coups.

Nous reproduisons le discours de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, qui a conclu la parole où successivement, Pierrick Annoot, secrétaire générale de la JC, Elianne Assassi, sénatrice, Marie-George Buffet et André Chassaigne, députés, sont intervenus.

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Mesdames et Messieurs, Cher-e-s ami-e-s et cher-e-s camarades,

Nous tenons ce meeting dans un moment exceptionnel. Samedi, c’est encore plus d’1,2 million de personnes qui manifestaient dans le pays contre la réforme des retraites, sans compter les milliers de femmes venues défiler à Paris pour les droits des femmes et singulièrement le droit à l’avortement aujourd’hui gravement remis en cause. Oui, la mobilisation n’est pas terminée ! Oui la colère est plus grande que jamais contre un pouvoir qui méprise à ce point les salariés de notre pays !

Le gouvernement peut bien pérorer. C’est un très haut niveau de mobilisation et de combativité qui persiste, après des semaines d’une exceptionnelle intensité. Nous vivons un de ces mouvements sociaux, une de ces mobilisations citoyennes, dont notre peuple a le secret et qui marqueront, après d’autres - 1995 ou 2005 et le TCE pour ne citer que les plus récentes - l’histoire de notre pays.

Le gouvernement continue sa chanson sur l’essoufflement, l’échec, la fin du mouvement. Il a fait voter sa loi, non sans mal, et après avoir été obligé de mettre au pas les deux Assemblées, pourtant dominées par des majorités honteusement serviles, et le voilà qui veut nous faire croire qu’il a gagné la bataille.

Eh bien, nous affirmons ici le contraire : Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont fait voter la loi, mais le président de la République vient de perdre sa première grande bataille politique depuis 2007. Et quoi que nous chantent les bla-bla gouvernementaux, cela change tout pour la suite !

C’est clair et net, la bataille des retraites n’est pas terminée. L’intersyndicale vient de décider une nouvelle journée d’action entre le 22 et le 26 novembre. De multiples actions sont prises dans de nombreuses corporations. Des grèves continuent et il faut saluer le courage de ceux qui les conduisent. Quelle que soit l’issue de la bataille engagée, le peuple français restera durablement marqué par les évènements que nous vivons en ce moment.

Trois convictions majeures nous ont rassemblé et rassemblent une majorité de nos concitoyennes et de nos concitoyens au cours de cette bataille.

La première est très claire : nous, salariés de toutes conditions et jeunes en formation de ce pays, nous ne voulons pas vivre les décennies à venir sous le régime injuste que nous impose cette loi. Nous nous battrons jusqu’à sa remise en cause, parce que ce n’est pas la vie que nous voulons. Le vote de la loi ne tourne pas la page. Ce combat est plus que jamais devant nous. Et, que les choses soient claires, ce message s’adresse à tous les gouvernements à venir, quels qu’ils soient. Qu’aucun d’entre eux ne mise sur la résignation en la matière. Tout simplement parce qu’il en va d’une question essentielle pour la vie de notre peuple, pour l’avenir de la jeunesse du pays.

Nous ne voulons pas être contraint d’attendre de toucher une retraite, souvent de misère, jusqu’à 62, 65 ou 67 ans quand 40% des salariés qui partent aujourd’hui à 60 ans ne sont déjà plus en situation d’emploi mais exclus du travail. Nous ne voulons pas laisser voler les plus belles années de retraite à des ouvriers épuisés, victimes de maladies professionnelles mal reconnues, à des employés ou des cadres minés par le stress. Nous ne voulons pas laisser les femmes subir tout au long de leur vie professionnelle la précarité, le temps partiel, les bas salaires, pour s’entendre dire à 60 ans, il faut continuer à ce régime là deux, cinq ou sept ans de plus, et tout ça pour une pension indigne d’une vie au XXIème siècle. Nous ne voulons pas priver les jeunes d’un million d’emplois quand leur accès au marché du travail serait au contraire une des clés d’une réforme juste et solidaire des retraites.

Oui, nous ne voulons pas de tout cela, et nous nous battrons jusqu’au bout ! Cette réforme ne doit pas s’appliquer. C’est maintenant notre combat.

Une seconde conviction s’est imposée avec clarté. Ce pouvoir est indigne, il a décidément tourné le dos à toute légitimité populaire, et n’a qu’une boussole, les intérêts de l’oligarchie financière. Pour faire adopter cette loi, il a tout bafoué : bafouée la négociation avec les syndicats qui n’a jamais existé ; bafouée la voix du peuple qu’il n’a jamais voulu écouter, niant l’évidente opposition majoritaire du pays, méprisant les manifestants, stigmatisant et réprimant les grévistes, manipulant jusqu’au ridicule les chiffres pour nier l’importance des mobilisations ; bafouée la jeunesse, qu’il a cherché à infantiliser, niant son droit au débat et à la libre expression, puis a provoqué, infiltrant la police dans ses rangs, en utilisant des méthodes de voyous ; bafoué le Parlement, dont la conduite des débats a été régenté par l’Elysée au mépris de la Constitution, réduisant les parlementaires de sa majorité à des applicateurs zélés et serviles de la moindre de ses directives ; au fond bafoués tous les principes démocratiques et les valeurs républicaines de notre pays, valeurs désormais régulièrement mises à mal depuis que le gouvernement s’est engagé pour détourner la colère populaire sur la voie haineuse de la xénophobie d’État.

Eh bien, ce n’est pas comme cela que notre pays entend être gouverné. Ce n’est pas cette France dénaturée dans laquelle nous nous reconnaissons. Nous ne sommes pas une république bananière dans laquelle l’élection du Président de la République peut devenir un blanc-seing assimilé au vote des pouvoirs spéciaux dont le président pourrait user sans limite hors de tout contrôle démocratique.

Oui, en adoptant la loi contre la majorité populaire, contre toutes les organisations syndicales, Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont signé leur illégitimité. Au nom de la souveraineté démocratique, ils sont condamnables et condamnés.

La troisième conviction s’est lue sur bien des pancartes, a été entendue dans bien des témoignages, elle résume la portée du mouvement : « de cette société là, nous ne voulons pas ! ».

La bataille sur les retraites a cristallisé le rejet de choix politiques qui, en tous domaines, visent à faire payer la crise financière capitaliste aux salariés. Ces choix nous conduisent tous, et la société avec, dans de très graves impasses, dans des crises décuplées, dans une régression générale et continue.

La crise est bel et bien là. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Notre pays compte désormais très officiellement 4 millions de chômeurs. Parmi eux, plus de 725.000 séniors et 750.000 jeunes : que dire d’une société qui réserve pour seul sort aux plus âgés et aux plus jeunes la souffrance du chômage ? Elle est malade et cette maladie a un nom : le cancer généralisée de la finance. La sueur des uns fait le profit des autres. Les entreprises du CAC 40 affichent 47 milliards de profit pour la seule année 2009. C’est plus que le besoin de financement de la sécurité sociale. Et si l’on en croit les Échos du 21 octobre, les dix premiers groupes du CAC 40 sont assis sur un matelas de trésorerie de 145 milliards d’euros ! Quant aux banques, elles annoncent à nouveau des profits faramineux. Où est la morale d’un tel système qui fait sa fortune en rackettant le travail et la création de richesses ?

Les luttes actuelles montrent que des millions de salariés ont pris conscience de cette crise et de la nécessité d’en sortir autrement qu’avec les recettes capitalistes. Au delà de l’enjeu du droit à la retraite, ce mouvement porte de très grandes exigences populaires en matière d’emploi, de salaire et de pouvoir d’achat et, plus profondément encore, il porte la question essentielle du travail et de sa finalité. Je pense aux sous-traitants et intérimaires de l’aéroport de Roissy, à nouveau mobilisés jeudi dernier, à ces bagagistes qui souffrent au travail et vivent comme une insupportable provocation le recul de l’âge légal de départ en retraite ; ou encore aux agents de Pôle Emploi qui seront demain mobilisés pour exiger le retrait du plan de suppression de 1800 postes, dénoncer leurs conditions de travail et donc les conditions d’accueil de millions de chômeurs dans ces structures.

Sauf à vouloir remplacer la société par le chaos, il est temps d’administrer à ce système capitaliste un traitement de choc. Il est de notre responsabilité pour cela d’inventer ensemble un nouvelle civilisation, une civilisation de toute l’humanité, fondée sur la maîtrise et le dépassement des marchés, sur des nouveaux pouvoirs pour les citoyens, les travailleurs et indissociablement sur une autre culture, une nouvelle éthique, de nouvelles valeurs de partage, de respect de la créativité de chacun.

Soyons confiants dans notre capacité à atteindre cette ambition. Le désarroi de la droite se fait chaque jour un peu plus sentir. Il s’entend et se lit. Il y a ces derniers temps, à droite, une petite musique savoureuse que j’aimerais partager avec vous. Claude Bébéar s’en est récemment fait l’interprète dans une interview au Monde. A la question « Comprenez-vous la résistance des Français à la réforme des retraites ? », le président d’honneur d’AXA a répondu ces quatre mots lourds de sens : « A vrai dire non. » Cette musique, loin des discours officiels, nombreux sont ceux à l’UMP qui ose l’avouer : « ils ne comprennent pas ! ». Ils ne comprennent pas comment, alors que la propagande étatique fonctionnait à plein régime, alors que le calendrier avait été soigneusement déterminé, comment une telle mobilisation a été possible.

Et pour cause ! Depuis 2007, ils pensaient que tout était réglé : leur politique était, disaient-ils, ultra-populaire ; les syndicats étaient devenus « responsables » ; et vous vous souvenez toutes et tous de cette phrase de Nicolas Sarkozy lui-même : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ». C’est d’ailleurs probablement cette même arrogance qui a fait confondre à Jean-Louis Borloo, 300 et 3000 stations-services à sec en pleine grève des raffineries.

Mais la crise financière et la réponse des gouvernants à cette crise ont mis fin à cet enfumage. Et le mouvement actuel a bel et bien été à la hauteur de l’attaque sans précédent lancé à la faveur de cette crise contre le monde du travail.

Voilà, mes amis, ce qui vient de changer. Et vous le mesurez, ce n’est pas rien. Nous venons d’entrer dans une nouvelle phase de l’affrontement contre ce pouvoir, avec des atouts nouveaux. Nicolas Sarkozy voulait faire de la retraite sa bataille essentielle. Nous avions décidé de relever le défi en décidant lors de notre congrès de faire de cette bataille un axe majeur de notre action. Nous pouvons être fiers de la bataille menée. Oui, nous sortons plus forts des semaines écoulées, Nicolas Sarkozy et les siens plus affaiblis.

Avant de vous dire encore un mot sur l’avenir et les tâches politiques essentielles qui nous attendent, permettez-moi de saluer notre peuple qui une fois encore a montré son extraordinaire capacité de résistance. Aux heures les plus fortes de la mobilisation, nous avons tous ressenti ce que nous ressentions en militant pour le non au TCE en 2005 : la formidable intelligence d’un peuple face à un pouvoir se servant de tous les artifices pour le diviser et le faire plier ; la combattivité de millions de femmes et d’hommes qui n’est conquise que dans la conviction de se battre pour la justice sociale ; et, aussi, cette envie de liberté, d’égalité et de fraternité, cette envie de faire vivre et de reconquérir les valeurs de notre République, de les faire entrer dans le XXIème siècle quand tant de bons apôtres du capitalisme mondialisé nous expliquent que la modernité serait d’y renoncer.

Je veux aussi ce soir saluer le travail exceptionnel des organisations syndicales. Jour après jour, elles ont multiplié les initiatives pour informer les travailleurs de la nature régressive du projet gouvernemental. Depuis des mois, elles sont restées unies sans ne jamais rien céder au gouvernement qui fasse reculer les droits des salarié-es. Et, aujourd’hui, des millions de salariés affirment ensemble leur volonté de maintenir le droit à la retraite à 60 ans et se mobilisent pour le garantir. Bravo à elles pour leur lucidité et leur détermination. Je peux vous dire, moi qui vient de me rendre, pour préparer le prochain congrès du PGE les 4 et 5 décembre à Paris, à Madrid, Rome, Athènes et Hanovre, que l’Europe entière admire et regarde ce qui se passe dans notre pays.

Je veux enfin redire ici l’importance du travail des parlementaires communistes, de l’ensemble des deux groupes dans leur diversité. Le projet de loi qu’ils ont élaboré et porté a donné une perspective politique crédible à la mobilisation en montrant, proposition contre proposition, qu’une autre réforme était et demeure possible. Leur grande ténacité dans le débat parlementaire a donné un formidable écho aux revendications des salariés. Nous pouvons être fiers d’eux. Le peuple a besoin de tels élus et ils ont montré ce que le peuple est en droit d’attendre de la gauche.

Car, c’est l’autre question dont je veux vous parler ce soir. La gauche doit maintenant prendre la mesure de la puissance de l’exigence populaire qui vient de gagner le pays. Et elle doit se mettre à la hauteur. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : le risque est grand qu’elle ne le fasse pas. Et c’est exactement ce que pensent les gens qui expriment dans plusieurs sondages parus ces jours ci tout à la fois leur envie de gauche et leur scepticisme sur la gauche.

Les Français ont raison. Aujourd’hui, le fossé existe. Le décalage est réel. Mais, nous, mes camarades, nous ne sommes pas là pour constater cette situation, pour pleurnicher, même avec les larmes de la colère, sur l’état du problème. Nous sommes pour là pour changer cette situation, pour construire avec notre peuple le projet collectif de changement auquel il aspire, pour ouvrir avec lui le chemin d’espoir qui lui ouvrira la porte. Et je l’ai dit, ce qui vient de se passer nous donne de nouveaux atouts pour y parvenir.

Que propose-t-on pour le moment à notre peuple pour résoudre ce problème et répondre à ces attentes ?

A droite, on nous propose un remaniement ! La belle affaire ! Le petit jeu de Nicolas Sarkozy, qui dure maintenant depuis des mois, à jouer, comme le disait Marie-George, avec les prétendants de son camp à tel ou tel poste, est, dans la période, tout simplement indécent. Je le dis clairement ce soir : il n’y a rien à attendre du remaniement, rien, absolument rien. Ils vont changer l’ordre de la photo gouvernementale. Et, de toute façon, dans la monarchie UMP, Nicolas Sarkozy décide tout et tout seul. Alors que l’on ne compte pas sur nous pour commenter ce nouveau casting. Le remaniement, on s’en fout et ça n’intéresse pas les Français.

Au Parti socialiste, on nous parle élection présidentielle, et c’est effectivement une échéance importante. Au lendemain de la journée de mobilisation du 26 octobre, Ségolène Royal - qui parlait un peu vite de « défaite », merci pour ceux qui luttent - déclarait que la réforme des retraites ne constituait pas « une défaite définitive » et était réversible en cas de victoire de la gauche à la présidentielle de 2012. Certes, aucune loi n’est éternelle. Celle-ci pourra donc être changée. Mais le problème, c’est sur quelle base ?

François Hollande, déclarait cette semaine dans une interview : « Il est évident que l’allongement de l’espérance de vie conduira à un allongement progressif de la durée de cotisation. … Au nom de quoi empêcher un salarié qui n’a pas forcément tous ses trimestres de liquider sa pension plus tôt, quitte à subir une décote ? C’est quand même un choix de vie ! » Fin de citation.

Eva Joly n’est pas en reste quand elle déclare : « L’attention a été trop centrée sur l’aspect faussement bon sens et comptable de la réforme. L’argument qui consiste à dire nous vivons plus longtemps donc il faut travailler plus est superficiel. Il faut poser la question : qui travaillera plus longtemps ? ». Permettez-moi, là encore, de ne pas être très rassuré quant aux résultats produits par une réforme des retraites qui partirait de la question « qui travaillera plus longtemps ? ».

Eh bien, nous, nous ne prenons pas le débat de cette manière. Nous en avons assez de cette gauche de la défaite qui n’a que « le réalisme de la contrainte financière » à la bouche comme si les dogmes de la gestion capitaliste et du FMI étaient devenus incontournables. Ce sont ces dogmes qui nous ont conduit à la crise. Je le dis aux responsables du Parti socialiste et d’Europe Ecologie : si la gauche revient au pouvoir, elle aura la responsabilité principale de répondre à une question, « qui doit payer : le capital ou les salariés ? ». Eh bien, si la réponse de cette gauche, c’est encore les salariés, ce sera sans nous !

Mais j’en suis sûr, ce n’est pas ce que veulent les femmes et les hommes de gauche de ce pays. Et, je préfère parler de potentiel et pas de contrainte. Comme du potentiel fiscal des hauts revenus ou des revenus du capital par exemple. Je suis d’ailleurs tombé sur une nouvelle niche fiscale la semaine dernière. Elle s’appelle la niche Copé. C’est une niche qui permet aux sociétés d’être exonérées d’impôt sur les plus-values liées à la cession d’une filiale possédée depuis au moins 2 ans. Ça paraît technique comme ça mais je vous garantis que c’est très efficace pour les grands groupes. Ça l’est nettement moins pour les finances de l’État qui a perdu avec ce dispositif, pour la seule année 2008, plus de 12 milliards de recettes. C’est 20 fois le coût du bouclier fiscal la même année ! C’est formidable, non, la niche Copé ?

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