samedi 26 janvier 2008

7 milliards volatilisés dans le système financier .

Crise banquaire . Entre opérations frauduleuses et crise des subprimes, la Société générale a déclaré, hier, lors d’une conférence de presse exceptionnelle, des pertes colossales pour l’année 2007.

La Société générale (SG) a révélé jeudi des pertes colossales dues à une « fraude » massive au sein de la banque, la plus importante de l’histoire de la finance (- 4,9 milliards d’euros), mais aussi à la crise des « subprimes » (- 2 milliards d’euros). La Société générale, l’une des trois premières banques françaises, a expliqué que l’un de ses traders, travaillant au sein d’une sous-division de ses activités de marché depuis 2005 et comme « technicien » depuis 2000, avait profité de « sa connaissance approfondie des procédures de contrôle » pour « dissimuler » des transactions. Cette fraude est d’autant plus spectaculaire qu’elle est intervenue dans des activités sur lesquelles cet établissement est le numéro un mondial incontesté et qui nécessitent une architecture sophistiquée de contrôle des risques. L’employé, qui a reconnu les faits, a été immédiatement mis à pied et une plainte a été déposée contre lui jeudi, a indiqué le PDG, Daniel Bouton.

un contexte « malheureux »

La fraude a été découverte dimanche après un contrôle de routine vendredi soir et deux jours d’enquête. Lundi, la direction a souhaité solder l’ensemble de ces positions, pour un montant de 40 à 50 milliards d’euros. Compte tenu du « krach » du début de semaine, l’opération a coûté 4,9 milliards d’euros à la banque, soit plus de la moitié du « trou de la Sécurité sociale », et aurait pu avoir des conséquences encore plus importantes si les cours de la Bourse avaient chuté plus violemment. Toutefois, le résultat net de la banque restera positif en 2007, avec des gains estimés entre 600 et 800 millions d’euros. Lors d’une conférence de presse, hier, la direction a tenté de banaliser l’événement, intervenu selon elle dans un contexte « malheureux ».

faillite du système ou escroquerie ?

Pour Elie Cohen, professeur d’économie à Science Po, l’explication donnée par la Société générale est difficile à croire. « La banque française, championne des produits dérivés, est châtiée par là où elle a innové. Les procédures de contrôle interne, qui normalement constituent le coeur de métier des banques, se sont révélées dramatiquement insuffisantes », poursuit-il. Ce sentiment a été confirmé par un analyste d’une société de gestion parisienne, souhaitant garder l’anonymat, qui estime « quand même curieux que quelqu’un qui semble-t-il n’avait pas de très grosses responsabilités » ait pu seul provoquer de telles pertes. « Ce n’est pas à une personne qui touchait peu pour le secteur, même pas 100 000 euros, à qui on va confier des portefeuilles extrêmement importants », explique-t-il, jugeant que la Société générale est peut-être en train de « charger un pauvre bougre pour faire passer des pertes qui se sont accumulées » au cours de la crise des « subprimes ».

Evénement exceptionnel ou faillite d’un système, cette affaire ressemble à l’escroquerie réalisée dans les années 90 aux dépends de la Barings par son courtier Nick Leeson, qui a abouti à la ruine du vénérable établissement. Plus récemment, l’affaire du « trader de Calyon », intervenue en septembre 2007, avait coûté au Crédit agricole 230 millions d’euros. Selon une note des analystes de HSBC, « le sentiment sur le contrôle des risques dans les banques françaises est une nouvelle fois touché et cela ne fera que renforcer les craintes des investisseurs pour le secteur bancaire ».

Clotilde Mathieu

l' Huma du 25 / 01 / 08

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