Électronique . La fermeture de l’usine girondine Solectron employant 540 personnes a été confirmée par la direction du groupe piloté par les fonds de pension.
Canéjan (Gironde), correspondant régional.
Une semaine à peine après la prise de possession du site girondin de l’américain Solectron par le groupe d’origine singapourienne Flextronics International, géant de la sous-traitance de production électronique, il n’avait que quelques mots à leur dire. Les plus terribles pour des salariés qui n’ont que leur travail pour faire vivre leur famille : « L’usine va fermer. »usine de canéjan, 4 000 salariés en 2000 À l’issue d’une réunion de trois heures du comité d’entreprise, François Barbier, nouveau patron qu’ils n’avaient jamais vu, dirigeant d’une des filiales aux vagues contours de Flextronics, s’est adressé hier à midi aux 540 employés pour leur confirmer ce qu’ils craignaient par-dessus tout. Même si, après huit plans successifs de suppressions d’emplois en huit ans, ils s’attendaient au pire. L’usine Solectron de Canéjan au sud de Bordeaux, qui a totalisé jusqu’à 4 000 salariés en 2000 dont un millier d’intérimaires, ses personnels, leur savoir-faire n’intéressent en rien le groupe piloté par les fonds de pension. L’envoyé de « Flex trop nique nos emplois », comme l’ont amèrement baptisé des salariés, est déjà connu des syndicalistes pour procéder à des fermetures de sites, comme ceux de Laval, de Luneville et prochainement de Châteaudun.
Après une matinée d’attente, la colère des salariés se mêle à un sentiment de résignation, d’abattement pour certains. « Après huit plans sociaux, on pensait être passés à travers et avoir tout vu », lance, dépitée, une ouvrière parmi les plus anciennes dans cette usine où la moyenne d’âge avoisine les 45 ans. « Tout s’envole quand on apprend cela. » Sylvia, veuve avec un enfant étudiant à charge, Sandrine, qui accumule « plus de plans sociaux que d’années d’ancienneté », et Christiane, embauchée en 2000 après quatre ans d’intérim, ne décolèrent pas. « C’est le résultat de la mondialisation, dit l’une, ils délocalisent vers des zones d’esclavage moderne, vers la Roumanie, vers la Chine, où ils travaillent douze heures par jour, où ils font marner les enfants. » « Les cartes électroniques nous reviennent parce qu’elles sont pleines de défauts, mais nos dirigeants n’ont que faire de la qualité du travail. » « Flextronics a racheté Solectron pour prendre nos parts de marché et fermer ensuite l’usine. » Cette appréciation formulée par Tatiana, élue CGT au CHSCT, est largement partagée. Si personne ne conteste des baisses d’activité dans certaines productions, chacun sait que des contrats avec de gros clients sont là, et pas des moindres. Avec les groupes Schneider et Thales, pour le compte de la défense nationale et le Rafale. Thales également fournisseur d’avionique pour Airbus. « Sous pression des grands donneurs d’ordres et de la baisse des coûts, les uns comme les autres sont favorables aux délocalisations, et c’est Flextronics qui fait le sale boulot », explique un agent de maîtrise. « Dans tous les cas, c’est toujours nous, les petits, qui payons », répond une de ses collègues.
« Ils veulent faire le ménage. »
Présent à la réunion du CE, Nicolas Hondagnu, élu CGT, indique que le représentant de Flextronics a aussi annoncé la fermeture de deux sites aux USA, un au Canada, un quatrième en Turquie. « Ils veulent faire le ménage. » À l’appel de l’intersyndicale (CGT, CFDT et syndicat autonome), les personnels se sont réunis hier après-midi en assemblée générale pour décider de la suite à donner.
Sur le site Boursier.com, spécialisé pour ceux qui veulent « gagner en Bourse », on apprend que, lors de l’achat de Solectron par Flextronics en juin dernier, « la considération cash de l’offre présente une prime de 15 % environ et la considération actions une prime de 20 % sur le cours de clôture de Solectron, de 3,37 dollars, le 1er juin à Wall Street ». Avec une langue de bois moindre, le directeur financier de Flextronics estimait pour sa part que la fusion pourrait ajouter au moins 15 % au bénéfice par action. Hier à midi, Yacine, partagé entre la colère et l’émotion, n’arrête pas de parcourir l’allée dans tous les sens. « Qu’est-ce que je vais dire à mes gosses ce soir, eux qui dans la cité étaient si fiers de dire : le père travaille dans l’électronique ? »
Alain Raynal
l' Huma du 09 / 10 / 07
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