vendredi 14 décembre 2007

Cliniques qui rient,hôpitaux qui pleurent .


Rationnement budgétaire et convergence tarifaire plongent le secteur public dans la crise. Et font les affaires du privé.

Le contraste saisit. D’un côté, un groupe commercial en expansion dont les affaires marchent du feu de Dieu. De l’autre, des hôpitaux publics aux prises avec des difficultés financières de plus en plus aiguës (les deux tiers sont en déficit), qui en viennent à tailler dans leurs effectifs, fermer des services…La concurrence entre les deux principaux secteurs de l’hospitalisation, le privé à but lucratif et le public, tourne sans cesse plus à l’avantage du premier. Plus de 50 % de l’activité de chirurgie sont désormais assurés par les cliniques. Leur domination étant encore plus forte dans les spécialités les plus lucratives - ORL, ophtalmologie, dermatologie. Selon une récente étude de la Drees (service de recherche auprès du ministère de la Santé), de 2002 à 2005 le chiffre d’affaires moyen des cliniques a progressé de 27 %, contre 18 % pour celui des hôpitaux. « Le résultat moyen des hôpitaux publics se déteriore alors que les rentabiltiés économiques et financières des cliniques progressent », constate la Drees (1).

Une évolution à deux vitesses, résultat direct, d’abord, du sous-financement chronique, délibéré, du service public. Pour 2006, par exemple, la Fédération hospitalière de France (FHF) avait évalué à 4,3 % la progression nécessaire des dépenses pour « répondre aux besoins minimum de fonctionnement ». Cela n’a pas empêché le gouvernement de limiter à 3,4 % l’augmentation de l’enveloppe correspondante du budget de la Sécu. Deuxième facteur entraînant une concurrence faussée : la réforme du financement des établissements de santé, par la tarification à l’activité, avec l’objectif d’une « convergence des tarifs » entre public et privé. Or les charges de l’un et de l’autre ne sont pas les mêmes. À l’hôpital d’assumer le coût élevé de l’accueil de « séjours non programmés », de la permanence des soins, la nuit et le week-end, souligne la FHF, alors que les cliniques, pour l’essentiel, s’en tiennent aux « interventions programmées ». À l’hôpital la prise en charge des malades en situation de précarité (environ 10 % des séjours), coûtant « environ 30 % plus cher » que la moyenne… L’application de la « convergence tarifaire », engagée depuis 2005, sans prise en compte de ces spécificités et dans une grande opacité dénoncée par la FHF, s’est soldée en 2006 par ce résultat pour le moins choquant, révélé par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur la Sécu : des transferts de crédits du secteur public vers le secteur privé. Le premier a été « amputé » de 191 millions d’euros pour « abonder » le second de

168 millions, indique la Cour. Troisième facteur pénalisant pour l’hôpital : les problèmes d’attractivité de l’exercice médical dans le public, les rémunérations assurées par l’hôpital ne pouvant rivaliser avec celles offertes par le privé.

(1) Drees. Études et résultats, nº 576, juin 2007.

Y. H.

l' Huma du 13 / 12 / 07

Aucun commentaire: