Générale de santé s'apprête à distribuer un dividende exceptionnel de 420 millions d'euros. Et des miettes à ses soignants.
Noël est en avance cette année pour les actionnaires de Générale de santé : il tombe exactement le 19 décembre. Ce jour-là, au siège de la société, 96, avenue d'Iéna, Paris-16e, ces actionnaires, réunis en assemblée générale, seront invités à se prononcer sur la proposition du directoire de la société de leur distribuer un dividende exceptionnel de 420 millions d'euros. Un témoignage sonnant et trébuchant de l'attention portée à ses investisseurs par un groupe qui affiche une prospérité éclatante. Fondé en 1987, multipliant depuis les rachats à travers l'Hexagone, Générale de santé règne sur 186 établissements, dont 175 en France, les autres en Italie. Avec ses 15 000 lits et places, ses 16 000 salariés et 5 200 médecins libéraux officiant pour lui, il détient 16 % du marché de l'hospitalisation privée. En Île-de-France, près d'une intervention chirurgicale sur deux est réalisée dans les unités du groupe, claironne son président du conseil de surveillance, Antonino Ligresti.
Avec un chiffre d'affaires qui a quintuplé en vingt ans, passant de 300 à 1 741,5 millions d'euros, le groupe, coté en Bourse depuis 2001, réalise de copieux bénéfices. L'an dernier, son résultat net a atteint les 229 millions d'euros. Un tel développement suscite les convoitises. À l'origine filiale de Générale des eaux, il a d'abord été vendu à un fonds d'investissement anglais, Cinven, avant de passer en 2003 sous le contrôle d'un cardiologue italien, Antonino Ligresti, avec sa société financière Santé développement Europe. S'il affirme développer une « stratégie d'excellence médicale », Générale de santé établit, dans sa gestion, des priorités dénuées d'ambiguïté. En témoigne la juteuse opération financière réalisée en 2006, avec la vente des murs de 28 cliniques, pour un demi-milliard d'euros, dans le but avoué d'améliorer ses marges. Et, au bout du compte, on le voit aujourd'hui avec le super-bonus de Noël, d'arroser ses actionnaires.
Si elle repose d'abord sur les deniers de l'assurance maladie qui solvabilise ses « clients », cette prospérité se nourrit aussi de l'exploitation du personnel. Dans les négociations sociales de la branche de l'hospitalisation privée, le représentant de Générale de santé se montre « le plus féroce », dit-on à la fédération CGT santé. « Nous, on nous parle toujours d'économies, sur le personnel, le matériel. Pour les salaires, on est au ras des pâquerettes », confie une syndicaliste d'une clinique de province, aide-soignante, payée « 1 300 euros net après dix-huit ans d'ancienneté ». Des salaires en moyenne inférieurs de 8 % à 20 %, selon les fonctions, à ceux du secteur public, indique-t-elle.
Même son de cloche chez Kheir Akmoume, secrétaire du syndicat CGT du grand hôpital Clairval (720 salariés), à Marseille, appartenant aussi à Générale de santé. Il a eu, dit-il, « la rage » en apprenant la distribution du dividende de Noël aux actionnaires. Car dans le même temps, lors des négociations annuelles obligatoires, la direction a royalement lâché, en guise de revalorisation salariale pour 2008… « 30 euros par salarié, et une hausse de 100 euros de la prime de présentéisme » dont par définition sont privés les coupables d'absence pour maladie. Absences qui, mauvaises conditions de travail aidant, sont justement de plus en plus fréquentes. Son âpreté au gain joue cependant des tours au groupe qui peine à garder ou attirer le personnel soignant : « On a 30 à 40 infirmiers de déficit par an », dit Kheir.
Y. H
l' Huma du 13 / 12 / 07
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