samedi 15 décembre 2007

Kléber peut vivre .

Pneumatique . Un rapport économique démontre la viabilité de l’usine Kléber, à Toul, dont Michelin s’apprête à transférer la production dans des pays à bas coûts.

Meurthe et Moselle,

correspondance particulière.

Hier, plus d’une centaine de salariés de l’usine Kléber de Toul ( Meurthe-et-Moselle) ont manifesté, avec d’autres ouvriers du groupe, devant le siège social de Michelin, à Clermont-Ferrand. Pour eux, un seul mot d’ordre : « Kléber Toul peut vivre ». Ce slogan, largement utilisé par les 800 salariés lors de l’annonce de la fermeture du site, en octobre dernier, est aujourd’hui étayé par le rapport du cabinet Sécafi-Alfa, missionné par l’intersyndicale CGT-FO. Les premiers éléments démontrent, en effet, que Michelin a volontairement créé une sous-activité sur son site de Toul, en transférant massivement des productions vers des usines d’Europe de l’Est ou d’Allemagne et, plus manichéen, le bibendum a provisionné, depuis les années quatre-vingt, les 130 millions d’euros pour fermer le site toulois. Selon les experts de Sécafi-Alfa, l’usine est viable à peu de frais : « Il suffit de remettre une seule chaîne de production sur le site. Cela coûterait environ 64 millions, soit la moitié environ de la somme que Michelin s’apprête à dépenser pour fermer le site et indemniser les salariés. » Ce surcroît de production, selon les mêmes experts, nécessiterait en plus l’embauche d’une centaine de salariés pour produire environ 4,5 millions de pneus annuellement.

sous-investissement délibéré

Pierre Kovalski, délégué central CGT, n’est pas surpris par ces conclusions : « L’usine Kléber de Toul fait l’objet d’un sous-investissement délibéré depuis 2002. Nous sommes sacrifiés pour des profits à court terme, alors que les experts prouvent que l’usine peut tourner avec des volumes appropriés. » Ces volumes, Michelin les possède. Le groupe vient, en effet, d’annoncer qu’il allait augmenter sa production de 20 millions de pneumatiques supplémentaires dans les prochaines années. Alors pourquoi pas à Toul ? Pour l’intersyndicale CGT-FO, les pays à bas coûts sociaux seraient aujourd’hui privilégiés par le groupe, et en particulier une usine en Pologne, qui nécessitera vraisemblablement des investissements conséquents pour être mise aux normes Michelin mais qui s’inscrit clairement déjà comme la remplaçante de Kléber Toul. « Malgré nos modestes salaires, nous possédons déjà la meilleure grille des salaires de Michelin France, et donc loin devant les Polonais. Faire disparaître Kléber Toul, c’est aussi retirer la possibilité d’une refonte salariale pour des milliers d’ouvriers », insiste le cégétiste. La manifestation européenne, hier à Clermont-Ferrand, portait justement sur les conditions de travail dans les usines Michelin, où le groupe envisage déjà de faire travailler ses salariés sept jours sur sept, afin d’obtenir des gains de productivité au détriment, une nouvelle fois, de la masse salariale. Le « travailler plus en gagnant moins et avec un minimum de salariés » devient une règle chez Michelin. Une analyse que bon nombre de salariés de Toul ont faite en refusant une mobilité interne dans le cadre de la fermeture envisagée de l’usine lorraine : « Ils sont peut-être une centaine aujourd’hui à avoir effectivement demandé leur mutation dans le groupe, mais la plupart veulent rester à Toul. Pour une raison évidente, Michelin n’affiche pas franchement sa stratégie industrielle vis-à-vis de certains sites.

Les échaudés de Michelin

Alors déménager pour se retrouver ailleurs dans la même situation dans deux ou trois ans, plus personne n’entend prendre le risque. Les échaudés de Michelin commencent malheureusement

à être nombreux », précise Pierre Kovalski. Le rapport Sécafi-Alfa va certainement les conforter dans leur choix. Kléber Toul est viable.

Alain Cwiklinski

l' Huma du 14 / 12 / 07

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