mercredi 19 décembre 2007

Les salariés invités à casser leur tirelire de RTT .

Pouvoir d’achat . Les députés discutent en urgence la loi sur le « pouvoir d’achat », qui propose aux salariés de s’autofinancer la prime de fin d’année.

Doper le pouvoir d’achat tout en baissant le coût du travail. C’est dans cette équation quasi insoluble que se démène le gouvernement. Sans vraiment convaincre. Les fonctionnaires, les syndicats et des centaines de salariés qui, dans le secteur privé, déclenchent des conflits pour des augmentations de salaires, réclament du sonnant et trébuchant. Dans un contexte où l’inflation, qui est à son plus haut niveau depuis trois ans (+ 2,4 %), entretient le sentiment de « perdre du pouvoir d’achat », le chef de l’État a bien compris l’urgence de la situation.

Poudre aux yeux .
Mais d’augmentations de salaire, il n’est point question. Nicolas Sarkozy propose donc aux salariés de se payer eux-mêmes la prime de fin d’année en puisant dans le stock de temps dû par l’employeur. Tel est le marché de dupe inscrit dans la « loi sur le pouvoir d’achat » présentée aujourd’hui aux députés. Les rangs de la gauche promettent déjà d’être agités, Michel Sapin (PS) ayant jugé « dérisoire » le projet de loi et « hypothétique » sa mesure phare, le rachat des RTT.

La loi TEPA, adoptée fin août, était déjà censée offrir du pouvoir d’achat en effectuant des heures supplémentaires. Mais les débuts poussifs de ce projet ont amené le gouvernement à y ajouter des mesures aux effets plus immédiats, avec effet poudre aux yeux garanti. Les députés vont donc examiner un texte rédigé à la hâte, sans consultation des partenaires sociaux. Le projet comprend cinq mesures. Deux d’entre elles concernent le logement. Dorénavant, la caution demandée pour les nouveaux entrants sera d’un mois au lieu de deux et le prix des loyers sera indexé sur l’évolution des prix à la consommation et non plus sur l’indice du coût de la construction. Le texte offre aussi aux salariés la possibilité de débloquer de manière anticipée, entre le 1er janvier et le 30 juin 2008, les sommes attribuées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise, dans la limite de 10 000 euros. Les petites entreprises, non assujetties au versement de la participation, pourront accorder une « prime exceptionnelle » de 1 000 euros exemptée de cotisations de Sécurité sociale.

Les autres articles organisent le rachat des jours de RTT, stockés ou non dans un « compte épargne temps ». Là encore, les employeurs ne paieront pas de cotisations sur les dix premiers jours rachetés. Cette mesure, très ponctuelle, ne serait même pas obligatoire, Éric Woerth, ministre du Budget, ayant assuré dimanche qu’il est exclu « d’obliger » les petites entreprises à payer. Xavier Bertrand, ministre du Travail, avait pourtant suggéré que les salariés pourraient « invoquer la loi en cas de refus de leur employeur » tout en se pressant d’ajouter que l’organisation du travail restait du seul domaine du patron.

Mesures temporaires

Dans sa précipitation législative, le gouvernement tente de contenir le mécontentement par des mesures temporaires. Parmi les 38 % de salariés qui bénéficient de jours RTT, tous ne seront pas autorisés à casser leur tirelire. Les employeurs ne vont sans doute pas non plus s’empresser d’anticiper les primes de participations. Pendant ce temps, les mesures qui grèvent le pouvoir d’achat de manière durable courent, qu’il s’agisse des franchises médicales, du paiement de la redevance télé pour les personnes âgées qui en étaient jusqu’alors exemptées ou encore de la prochaine augmentation des tarifs du gaz promise par le ministre du Budget. Pour les syndicats, le gouvernement passe à côté de l’essentiel : la smicardisation de la rémunération du travail, facteur d’appauvrissement des salariés, et la multiplication des contrats précaires et des temps partiels, qui offrent les salaires qui vont avec, partiels.

Paule Masson

l' Huma du 18 / 12 / 07

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