samedi 15 décembre 2007

Sarkozy veut la peau des HLM .

Logement . En acceptant la fin de son système de financement, en confiant au secteur privé la construction de logements sociaux, le chef de l’État impose sa vision libérale au monde HLM.

Le chef de l’État n’a jamais aimé les HLM. Le pourcentage ridicule de logements sociaux de Neuilly (autour de 3 %), ville dont il a été maire de 1983 à 2002, en témoigne amplement. De même que la caricature qu’il a longtemps donnée de la loi SRU (qui exige 20 % de logements sociaux dans plus de 700 communes) lorsqu’il déclarait qu’il refusait de couvrir la France de HLM, ce que personne n’avait jamais demandé ni même envisagé. Mais c’est comme ça. Nicolas Sarkozy a toujours besoin de ternir la réalité pour infliger aux Français ses remèdes libéraux.

vers la fin d’un système efficace de financement .

Cette aversion pour le logement social vient de franchir une nouvelle étape. Mardi, le président de la République a annoncé qu’il voulait « moderniser les circuits de financement du logement social ». Comme souvent dans le verbiage libéral, moderniser signifie en réalité ouvrir au marché. C’est ce qui va se passer avec ce que les spécialistes appellent la « banalisation » du Livret A.

Jusqu’ici réservée à trois réseaux bancaires (Banque postale, Caisses d’épargne et Crédit mutuel), la distribution du Livret A devrait être étendue à l’ensemble des banques qui en feront la demande. Or le risque est grand que celles-ci ne captent cette épargne pour la rediriger vers des placements plus rémunérateurs. La conséquence serait alors désastreuse pour les organismes HLM puisque la Caisse des dépôts (CDC), qui centralise ces dépôts, pourrait alors être privée de la ressource qui lui sert depuis plus d’un siècle à fabriquer des prêts bonifiés et à très longs termes, ce que quasiment aucune banque, hors conjoncture très particulière, n’est aujourd’hui en mesure de faire. Les propos de Michel Camdessus, ex-président du FMI, en charge d’un rapport sur la question, apparaissent inquiétants. Mercredi, il a confirmé que la CDC pourrait ne plus recevoir l’intégralité des Livret A. L’Union sociale pour l’habitat, qui rassemble l’ensemble des familles HLM, redoute que la décision du chef de l’État ne déstabilise « un système qui a fait la preuve de son efficacité et de sa solidité ».

Le privé peut s’emparer du logement social

Jusqu’à présent, deux types d’opérateurs se partagent la production de logements sociaux. Les associations d’insertion, dont la production est très majoritairement orientée vers des logements très sociaux (PLA-I, qui sont les moins chers), et les organismes HLM, qui produisent des HLM classiques (PLUS) et des logements intermédiaires (PLS, les plus chers). Les promoteurs privés peuvent aussi construire du logement social mais il est ensuite revendu aux organismes et devient une HLM à part entière. Autrement dit, un logement est aujourd’hui considéré comme social par la qualité du bailleur et du prêt qui a servi à son financement, par le niveau de loyer, et par le niveau de ressources du ménage lorsqu’il en prend possession.

Tout cela va changer, a annoncé Nicolas Sarkozy. « Le parc privé doit être en mesure de développer une offre très sociale », affirme le chef de l’État. Et d’estimer que ce n’est pas « par la nature publique ou privé d’un bailleur » qu’un logement doit être considéré comme social ou pas, mais par le niveau du loyer pratiqué et les revenus de son locataire. Début 2008, un nouveau dispositif va donc être proposé aux investisseurs privés. En échange d’avantages fiscaux conséquents, les investisseurs pourront faire construire des logements dont les niveaux de loyers et de ressources des locataires seront déterminés pour une certaine durée.

Ce dispositif, qui a été mis en place en Allemagne, n’est pas nouveau en France, fait remarquer Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Il a déjà été employé avec l’investissement locatif appelé « Borloo populaire » et auparavant par le « Besson ». Ce qui est nouveau en revanche, c’est que ces logements seront confiés en gestion pendant la durée de leur conventionnement aux organismes HLM. Jean-François Gabilla, président de la Fédération des promoteurs constructeurs (FPC), estime qu’une durée de quinze ans serait intéressante. Pour lui, « ce système a l’avantage de ne pas coûter d’argent à l’État, de se faire par un financement classique, et vient doper la production de logements sociaux. C’est du gagnant-gagnant ».

Il y a quand même un bémol, et de taille. Qu’adviendra-t-il lorsque le conventionnement de quinze ans arrivera à terme ? C’est simple : le locataire sera obligé de payer un loyer au prix du marché. De quoi relativiser l’intérêt du dispositif…

Avec la paupérisation du parc social qui s’annonce (lire page 3), le démantèlement de son système de financement, et la création de logements sociaux éphémères, le risque est réel de détruire un modèle de production singulier qui a fait ses preuves depuis plusieurs dizaines d’années. Lâcher la proie pour l’ombre, est-ce vraiment ça la modernité ?

Cyrille Poy

l' Huma du 14 / 12 / 07

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