mardi 26 février 2008

Un Sarkoshow soufflant le froid et le chaud .

Salon de l’Agriculture . Le président de la République a réaffirmé, devant son auditoire paysan, sa volonté de faire jouer tout son rôle à l’agriculture française, tout en maintenant des ambiguïtés sur la position à l’OMC.

Sur le ring des bêtes de concours, la haie d’honneur était composée de spécimens emblématiques de nos plus belles races bovines, chevalines, ovines et caprines. Ces animaux ont été présentés au président de la République avant qu’il ne s’adresse à un public trié sur invitations personnalisées et rigoureusement contrôlées au moment d’accéder aux tribunes. Nicolas Sarkozy a repris pour l’essentiel les quatre orientations qu’il avait défendues à Rennes le 11 septembre 2007 (1).

les responsables de la crise

Cette volonté réaffirmée de faire jouer tout son rôle à l’agriculture française s’est accompagnée d’une série de critiques visant pêle-mêle Jacques Chirac et des professionnels agricoles soupçonnés d’être en bonne partie responsables des crises qu’ils subissent dans différentes filières de production. « Je ne crois pas à la posture conservatrice qui a été souvent la nôtre », a-t-il déclaré, faisant allusion à la volonté de son prédécesseur de vivre sur l’acquis des budgets communautaires jusqu’en 2013 sans rien réformer d’ici là. Alors que le propos ne figurait pas dans son texte, Nicolas Sarkozy a développé une tirade sur le « blocage » de la construction européenne qu’aurait introduit le « non » français au traité constitutionnel en 2005. Cela pour mieux vanter le « mini-traité » qu’il vient de faire adopter par le Parlement en ces termes : « Si j’avais dit à nos partenaires qu’il y aurait à nouveau un référendum sur le traité simplifié, ils ne m’auraient pas suivi ». Voilà pour la démocratie. Et de se féliciter en ces termes : « La France qui a dit non a été la première à ratifier le mini-traité. »

pagaille dans la distribution

À plusieurs reprises, le président de la République a affirmé que les paysans devaient pouvoir vivre du prix de leurs produits. Mais ce fut pour leur signifier que cela relevait d’abord de leur propre responsabilité. Certes, « on ne peut pas laisser les agriculteurs seuls face à la distribution », a-t-il concédé. Mais il a aussitôt souligné l’urgence de « structurer l’offre dans des filières où règne la pagaille, car on ne peut pas toujours dire que c’est de la faute des autres quand il y a des problèmes ».

Le chef de l’État a prétendu que la loi Chatel votée en décembre préservait les agriculteurs du racket des distributeurs, omettant de faire allusion au nouveau texte que prépare Bercy pour le printemps prochain sur la liberté de négociation des prix donnée aux grandes surfaces. Samedi, les agriculteurs ont été appelés à centraliser les offres de mise en marché face à des distributeurs dont les achats passent désormais par cinq centrales, ce qui est impossible pour des producteurs atomisés sur tout le territoire. L’avertissement visait notamment les producteurs de porcs, en occultant le fait que la crise actuelle est surtout imputable à la flambée des cours des céréales, laquelle ne peut cesser qu’avec des stocks communautaires plus conséquents et gérés de manière intelligente.

l’agriculture en europe

Si le président de la République a insisté sur l’importance nouvelle que doit avoir l’agriculture en France et en Europe, son discours de samedi matin n’était pas porteur d’un projet susceptible de favoriser un développement harmonieux de ce secteur économique vital. Un tel développement implique de nouvelles politiques de régulation en lieu et place des dérégulations qui se négocient à l’OMC. À ce propos, Nicolas Sarkozy n’a jamais évoqué (voir ci-dessous) un possible veto de la France en cas d’accord agricole déséquilibré à Genève. En exigeant de la « réciprocité » et « de l’équilibre » dans cette négociation, le président de la République laisse entendre en creux qu’il est prêt à des concessions sur le volet agricole pour peu qu’un accord global à l’OMC soit finalement favorable à l’industrie de pointe et aux entreprises de services. Notons enfin que le volet social du discours présidentiel promet seulement d’examiner l’évolution des petites retraites agricoles d’ici la fin du premier semestre 2008.

(1) Lire notre édition du 23 février.

Gérard Le Puill

l' Huma du 25 / 02 / 08

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