Editorial par Michel Guilloux
La froideur des statistiques a beau être l’amie des pires calculs politiques, elle peut parfois ne pas suffire. Ainsi des sinistres lois Hortefeux donnant lieu à une sordide surenchère arithmétique.
D’une année l’autre, les services de police sont sommés de faire du chiffre sur des étrangers dont la situation irrégulière résulte pour une large part, faut-il le rappeler, des lois prises depuis 2003 par la droite. 25 000 reconduites à la frontière pour 2007 ?
Il en faudrait 26 000 en 2008, exige François Fillon. Pourquoi ? Pour lutter contre « l’immigration clandestine » et « adapter nos flux migratoires aux besoins de l’économie française », comme le répétait dernièrement le premier ministre ? Mais alors quels sont les « efforts » fournis par le gouvernement contre ceux qui tirent profit de cet état de fait ?
La récente affaire du foyer du 13e arrondissement de Paris a montré que les marchands de sommeil pouvaient dormir en paix, eux. Quant à « l’immigration choisie » prônée par le chef de l’État, elle renvoie aux pires heures de l’exploitation de la main-d’oeuvre immigrée : on peut y recourir pour faire pression sur les salaires mais elle doit venir seule. Quant aux patrons voyous qui l’exploitent, sur les chantiers comme dans les cuisines, tous secteurs peu attractifs auprès des jeunes du fait des conditions de travail et de rémunération précisément, on attend toujours de la « fermeté ». Le fait nouveau, et la manifestation parisienne de samedi l’a rappelé, est que désormais, si la peur n’a pas changé de camp, les salariés, comme ceux de « La Grande-Armée », relèvent la tête. Ils refusent de faire les frais d’une politique motivée avant tout pour séduire l’électorat le plus extrême de la droite.
Si les sondages ne font pas une élection, leur orientation à la baisse pour Nicolas Sarkozy confirme que ces ficelles populistes ne suffisent pas ou plus. De l’inauguration de commissariats flambant neufs à l’opération de police à grand spectacle de Villiers-le-Bel, en passant par la volonté de focaliser l’attention de l’opinion publique sur la loi de rétention, le chef de la majorité a pourtant sorti tout l’arsenal qui a fait les beaux jours du ministre de l’Intérieur puis du candidat UMP d’avant mai 2007.
À quelques semaines des élections municipales et cantonales, ce sont ses promesses sur le pouvoir d’achat que les Français gardent en tête. Les membres du gouvernement, les élus de l’UMP, les experts de tout poil ont ces derniers mois multiplié les tentatives d’explication sur leur moral en berne : il y aurait la hausse des prix « réelle » et la hausse des prix « ressentie ».
Une nouvelle étude de 60 Millions de consommateurs vient lézarder ces hasardeuses théories psychologisantes : la flambée des prix des céréales ne peut suffire à expliquer pourquoi, entre novembre et janvier, les prix des yaourts, du lait, des fromages, de plus de 200 produits en tout, ont pu augmenter de 10 % à 40 % !
La tenaille des prix qui flambent et des salaires en berne est toujours plus insupportable. À aucun de ces deux maux il n’est apporté de réponse viable. « Aujourd’hui, on passe du slogan “travailler plus pour gagner plus” au slogan “il faut lutter plus pour gagner plus” », déclarait samedi Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, pointant l’augmentation du nombre de luttes pour les salaires, en particulier dans la grande distribution, épicentre de la pression sur le pouvoir d’achat réel, de la précarité et des dividendes versés aux actionnaires. Il y a là un autre début de réponse au pourquoi la stratégie du bouc émissaire fait moins recette ces jours-ci.
l' Huma du 25 / 02 / 08
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