mardi 1 avril 2008

Hôpital Saint-Antoine : Non à l'usine à soins .

Hôpital Saint-Antoine : « Non à l’usine à soins »

Santé . Depuis le 18 mars, le personnel de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, est en grève. Médecins et non-médecins dénoncent le manque d’effectif et les conséquences sur les malades.

Des personnes admises aux urgences qui restent soixante-douze heures sur un brancard en attendant un lit ; des malades qu’on fait sortir prématurément pour faire de la place ; des traitements par chimiothérapie repoussés par manque d’effectif… À l’hôpital Saint-Antoine de Paris, la liste des dysfonctionnements est longue. Tellement longue que le personnel, à bout, a fini par se mettre en grève, le 18 mars, à l’appel d’une intersyndicale CGT-FO-Sud. « Le conflit couve depuis deux ans car nos conditions de travail se dégradent de jour en jour », explique Régine Linard, infirmière et secrétaire générale de la CGT de l’hôpital.

Si l’intersyndicale dénonce le manque d’effectif, elle pointe aussi les « conséquences sur les patients » et la « souffrance des personnels ». « On demande au corps médical d’augmenter l’activité, mais en supprimant des moyens humains et financiers. Ce sont les malades qui, au bout du compte, sont les victimes », estime la syndicaliste. « On travaille à la chaîne. Résultat : on n’est plus dans la qualité mais dans l’insécurité », témoigne ainsi une infirmière. « On a plus de travail, donc plus de pression, mais on ne gagne pas plus pour autant », surenchérit une aide-soignante du service d’orthopédie. Pour le personnel administratif, les conditions de travail sont elles aussi très dures.

Ces préoccupations sont aussi celles des médecins, solidaires du mouvement. Dans un grand nombre de services de l’hôpital, des lits ont été fermés par manque de personnel, rendant difficile l’hospitalisation des malades. Les délais de consultation deviennent souvent incompatibles avec un suivi efficace. « Jamais nous n’avons rencontré autant de difficultés à soigner correctement les patients faute de moyens », expose dans un communiqué commun l’Amuf (urgentistes) ainsi que les syndicats CGT, FO et SNPHAR de médecins. « Nous ne pouvons plus soigner les patients dans le cadre de notre mission de service public », témoigne le docteur Jean-Philippe Laporte, qui évoque la « pression » des familles mais aussi le « danger » auquel sont exposés les malades. Le plan d’économie (1,2 million d’euros chaque année), les sous-effectifs et les salaires peu attractifs expliquent en partie cette situation. Mais aussi la mise au 1er janvier dernier de la tarification à l’activité (T2A), qui « pousse à une sélection des malades les plus rentables et à une concurrence entre les structures », analyse Régine Linard.

De son côté, la direction de l’hôpital Saint-Antoine relativise la situation. Certes, la directrice reconnaît que le personnel peut être « sous pression », faute de pouvoir répondre aux demandes des patients. « Mais on ne peut pas prendre tout le monde en charge », estime Chantal de Singly. Et si elle admet également la difficulté de recruter des infirmières, en raison de la cherté des loyers en région parisienne, elle souligne aussi que l’hôpital reste « attractif » et « très fréquenté ».

Après dix jours de grève, le personnel a obtenu la stagiarisation de 28 aides-soignants. Insuffisant. « Nous demandons l’arrêt des suppressions d’emplois que l’hôpital subit depuis cinq ans. Nous exigeons l’embauche de personnel permettant la réouverture de tous les lits d’hospitalisation et une organisation de travail favorisant l’accueil et des soins de qualité aux patients (…) ainsi qu’une augmentation générale des salaires », résume l’intersyndicale.

« Très bien suivie », la grève - qui n’a pas d’effet sur les patients car les personnels sont « assignés » - pourrait bien s’amplifier à d’autres établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui connaissent les mêmes difficultés. Aujourd’hui, les médecins de Saint-Antoine doivent tenir une assemblée générale pour décider de la suite à donner au mouvement. Et demain, les grévistes manifesteront à Paris, devant la direction générale de l’AP-HP.

A. C.

l' Huma du 31 / 03 / 08

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