Social . Le ministre du Travail présente aujourd’hui ses propositions. Elles répondent à une logique productiviste et à un choix de société qui n’ont pas été débattus.
« Si j’arrêtais parce que les lycéens ne sont pas contents ; si j’arrêtais la réforme des retraites parce qu’ils ne sont pas contents… » Tout en se prévalant d’un prétendu renouveau du « dialogue social » sous sa présidence, Nicolas Sarkozy a délivré un message clair, lors de sa prestation télévisée jeudi dernier : alors que l’ensemble des syndicats sont en désaccord avec son projet de réforme de la retraite, il ne tiendra pas compte de leur avis. Le dialogue, c’est donc : « causez toujours, je n’en ferai qu’à ma tête », et cela sur un sujet pourtant au coeur de la vie sociale. C’est d’ailleurs dans le cadre d’une simple concertation, et non d’une négociation expressément refusée, que le ministre du Travail Xavier Bertrand présente aujourd’hui ses propositions aux organisations syndicales et patronales.
travailler et cotiser plus longtemps
Aucune véritable surprise à en attendre : Nicolas Sarkozy a rappelé jeudi la ligne consistant à décréter que la seule option pour garantir le système des retraites était de « travailler et cotiser plus longtemps ». Or, de la CGT à la CGC en passant par FO et la CFDT, par-delà leurs différences de position sur la réforme Fillon, toutes les organisations de salariés refusent le passage aux 41 ans de cotisation. Pour une raison simple : alors que la majorité des salariés voient aujourd’hui leur carrière interrompue, malgré eux, avant même d’avoir atteint 60 ans, leur demander de « travailler et cotiser plus longtemps » reviendrait en réalité - étant donné les modalités de calcul de la pension et les pénalités en vigueur pour manque de trimestres cotisés - à leur imposer une nouvelle dégradation du niveau de leur future pension de retraite. Pour donner le change, Xavier Bertrand crie sur tous les toits sa résolution à changer la situation de l’emploi des seniors (le taux ne dépasse pas 38 %), et il devrait aujourd’hui s’efforcer de braquer les projecteurs sur ses propositions en la matière. Il y a en effet beaucoup à faire pour imposer aux entreprises de cesser d’utiliser systématiquement les travailleurs âgés comme variable d’ajustement dans leur quête de rentabilité. Mais les syndicats sont d’autant moins enclins à « signer » pour les 41 ans en échange de la promesse d’un nouveau paquet de mesures pour les seniors qu’on leur a déjà fait le coup lors de la réforme de 2 003 : un « plan emploi seniors » a alors été promis, puis lancé en 2006 à grand renfort de publicité, sans grand impact, à l’évidence, sur le comportement des employeurs.
Les sacrifices pour les salariés
L’agitation de la question des seniors ne peut, en tout état de cause, occulter un choix fondamental fait par Nicolas Sarkozy comme par ses prédécesseurs : le refus de chercher à financer, autrement que par des sacrifices imposés aux assurés sociaux, l’augmentation légitime de la dépense retraite, liée à l’arrivée à l’âge du départ des générations nombreuses du baby-boom et à l’allongement de l’espérance de vie. Les syndicats, la Caisse nationale d’assurance vieillesse et la Cour des comptes, entre autres, ont pourtant avancé nombre de pistes alternatives : cotisation sur les nombreux éléments de revenus actuellement exonérés (stock-options, revenus financiers, intéressement, participation…), réforme de la contribution des entreprises pénalisant celles qui licencient et/ou recourent massivement à la précarité, etc. Conjuguées à une politique visant effectivement le développement de l’emploi, de telles mesures feraient rentrer des milliards d’euros dans les caisses de la Sécu. Encore faudrait-il vouloir affronter le diktat du MEDEF qui ne veut pas mettre un euro de plus dans la « machine », prétend donc maintenir inchangé le partage de la richesse créée quelles que soient les évolutions de la société. On touche ici, enfin, à l’autre dimension cachée, profondément conservatrice, du choix sarkozyen : contraindre à travailler toujours plus longtemps, n’est-ce pas, comme le souligne Henri Chevé (voir entretien ci-contre), tenter de s’opposer à la révolution démographique en marche qui élargit considérablement le champ des possibles pour le développement des individus et de la société, et affirmer une conception purement productiviste de l’individu ?
Yves Housson
l' Huma du 28 / 04 / 08
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