Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues, La France connait une crise financière grave et profonde, et l’on sent les prémices d’une crise immobilière de grande ampleur, toutes deux causées par les abus hautement condamnables du capitalisme financier, défendu par les gouvernements de droite. Face ce marasme économique et financier, le Gouvernement français et le Président, cherchent à défendre prioritairement les intérêts des banques, des assurances, des gros investisseurs, des grandes entreprises du bâtiment, des bailleurs privés et des promoteurs immobiliers. Les dirigeants politiques témoignent de leur incapacité à faire face aux dysfonctionnements d’un système qu’ils ont encouragé. Ainsi, les déclarations se multiplient, souvent vagues, comme l’achat de 30 000 logements issus de programmes arrêtés. Sur lesquels, d’ailleurs, nous aimerions bien avoir des précisions. Mais, plus grave encore tout est fait pour conforter la crise du logement en maintenant les loyers et les valeurs immobilières foncières à leur valeur actuelle, alors qu’ils n’ont jamais été aussi élevés et qu’ils deviennent inaccessibles à une grande part de la population. Loin d’anticiper et d’apporter des réponses socialement équitables au mal et au non logement en France, le projet de loi dont l’intitulé veut laisser croire en une mobilisation de l’Etat, acte en réalité un désengagement historique de l’Etat et met en place des réforme régressives ! La parole d’hier est désormais bien lointaine ! Pourtant, en 2007, le parlement français inscrivait dans la loi « le droit à un logement opposable ». Le premier ministre montrait tout l’intérêt qu’il portait à la question en confiant même à Etienne Pinte une mission parlementaire sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement des personnes sans abri et mal logées. Aujourd’hui les propositions de ce rapport sont ignorées. Le gouvernement de Monsieur Fillon soutient une politique qui va à l’encontre de l’esprit même de ce rapport ! Puisque que le Gouvernement reste sourd aux appels de détresse des populations, des associations, des élus je rappellerais encore une fois les chiffres de la misère qui rendent cette urgence criante : 7 millions de travailleurs pauvres, 3,5 millions de mal logés, un million et demi de foyers en attente de logements sociaux, 100 mille personnes sans abris, 900 mille personnes sans domicile personnel, 600 mille logements indignes. Vous les connaissez ces chiffres, le rapport Pinte les mentionne, comme il mentionne « l’indispensable maintien de l’effort de l’Etat ». Mais imaginez-vous, Madame la ministre, un seul instant la précarité la souffrance qu’ils signifient, pour tous ceux qui sont en attente d’un toit. Toutes ces vies d’hommes, de femmes, d’enfants, brisées ; car avoir un toit est réellement la clé de tous les autres droits. Certainement pas, sans quoi, face à cette crise historique du logement que connait notre pays, vous n’accepteriez pas une diminution sans précédent du budget du logement dont vous êtes responsable. Une diminution de 7%, alors même que l’intervention de l’Etat ne représentait déjà que 1,11% du PIB en 2007, au moment où un effort à hauteur de 2% du PIB serait nécessaire pour répondre à la demande. Les aides à la pierre inscrites au budget de l’Etat ont également baissé de 30% entre 2000 et 2007 et les aides aux plus démunis ont stagné ! Dans le même temps les prélèvements fiscaux et parafiscaux sur le secteur du logement progressent très rapidement. Depuis 2002, on le sait, l’Etat prélève plus sur le logement qu’il ne redistribue. Le député Le Bouillonnec dans un rapport remis à l’Assemblée Nationale en mars 2008 indiquait que « grâce au logement et à la hausse des prix, l’Etat a perçu 7,6 milliards d’euros de plus entre fin 2001 et fin 2005, qu’il n’a ni réinvestis ni redistribués aux ménages. Avec cette somme il aurait pourtant pu financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou augmenter de 20% les aides au logement sur toute la période ! Votre politique du logement et ce projet de loi s’inscrivent dans ce désengagement chronique de l’Etat. Comment pouvez-vous défendre, par exemple, Madame la Ministre, un budget qui voit disparaitre les crédits de la prime à l’amélioration des logements à usage locatif sociaux et nous faire croire que tout va être mis en oeuvre pour rénover réhabiliter un parc social qui en a malheureusement souvent besoin ! Ce désengagement financier de l’Etat, qui rompt avec une de ces principales missions sociales, montre à quel point le droit au logement opposable reste du domaine déclaratif ! L’opposabilité se mesure à la hauteur des obligations, c’est son sens, or le projet de loi dégage l’Etat de ses obligations, et assouplit les contraintes en terme de construction de logement social, au sens de l’article 55 de la loi SRU. Avant d’aborder plus en détails les dispositions du texte je voudrais isoler deux articles qui mettent en exergue l’idéologie de votre projet. L’article 17 du projet de loi qui revient sur la règle des 20% de logements sociaux en incluant dans ce pourcentage les logements PASS foncier et PSLA, dénature profondément l’impact de la loi de solidarité urbaine pourtant décisif sur le niveau actuel de construction des logements. Dans son dernier rapport le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable fait de la conciliation du droit au logement et de la mixité sociale un des enjeux des politiques en matière de logement. A ce titre il note, très justement, que l’Etat étant exposé à la condamnation pour non mise en œuvre du DALO « ne doit pas tolérer que certaines collectivités ne respectent pas leurs propres obligations ». Alors que le rapport recommande la fermeté de l’Etat à l’égard des communes défaillantes, au risque dans le cas contraire que sa faiblesse démobilise les autres communes, vous décidez Madame la ministre d’assouplir les règles ! Or, déjà près de la moitié des communes concernées n’ont pas respecté les obligations fixées par la loi SRU. Cette volonté de ne rien faire qui pourrait gêner les communes dans l’illégalité, cette attitude laxiste et antirépublicaine des pouvoirs publics au regard de l’effectivité d’un droit inscrit dans la loi est confirmée par la disparition initialement prévue du droit de préemption urbaine. Cette déresponsabilisation de l’Etat, s’accompagne paradoxalement d’un renforcement de l’autoritarisme étatique. Outre les manœuvres sémantiques, reflet des annonces mensongères du Gouvernement, je voudrais aborder plus particulièrement l’article 3. Cette disposition, qui mobilise les acteurs en démobilisant l’Etat, emporte des conséquences financières très graves pour le logement. En effet, l’article 3 confirme sans ambiguïté aucune, le désengagement financier de l’Etat. Il met ainsi en coupe réglée les fonds du 1% logement en permettant leur ponction au gré de la seule politique menée par l’Etat. La ponction annoncée cet été d’une partie des ressources du 1% d’au moins un milliard d’euros soit un quart des ressources annuelles du 1% est intolérable. Dans ce contexte, on n’est pas étonné que le projet de loi, sous couvert d’assainir la gouvernance du 1%, renforce le contrôle de l’Etat, notamment sur l’utilisation des ressources, afin de substituer en toute tranquillité les fonds du 1% aux fonds publics ! Ainsi, le projet de loi risque de mettre en péril un système qui fonctionne : rappelons qu’au moment où le budget de l’Etat diminue, les dépenses en faveur des salariés sont passées de 600 millions d’euros (accordés sous forme de prêts) en 2001 à 1,8 milliards d’euros en 2007. En matière d’autoritarisme étatique le projet de loi ne s’arrête pas là. Ainsi, le chapitre 1er dénature profondément l’intervention des organismes bailleurs sociaux. Le conventionnement global préconisé en 2007 et aujourd’hui rendu obligatoire avec la convention d’utilité sociale, crée des lieux d’habitation en fonction des revenus des ménages et des prestations servies. C’est un logement à plusieurs vitesses que l’on instaure, cela va à l’encontre de la mixité sociale ! Le projet de loi essaie de banaliser le logement social et de marchandiser le parc social sans se soucier du bien être des populations concernées. En témoigne la vente forcée des logements sociaux qui ne manquera pas de poser des problèmes : copropriétés dégradées, incapacité de rembourser les emprunts, faillite personnelle… L’article 2 prévoit que les organismes HLM dotées de ressources financières importantes seront taxés pour alimenter la CGLLS (Caisse de garantie du logement social locatif). On voit d’ici l’opportunité pour l’Etat de se désengager discrètement du financement de la construction neuve en renvoyant dos à dos les organismes riches et les organismes pauvres. En ce qui concerne le développement de l’offre nouvelle de logement le projet de loi encourage les formes de partenariats publics privés. Je voudrais faire quelques remarques en ce qui concerne plus particulièrement l’article 15. Cet article présente un certain intérêt puisqu’il revient en partie sur des dispositifs incitatifs à l’investissement immobilier contreproductifs. Rappelons qu’avec ces exonérations fiscales, l’Etat consacre dans son budget en moyenne 33 000 euros à chaque logement dit « de Robien », ce qui coûte chaque année environ 400 millions d’euros. A titre de comparaison , il consacre tout au plus « 20 000 euros » à la construction d’un logement social. Votre projet de loi prend acte de l’échec des programmes de Robien sans contrepartie sociale. Il ne faudrait pas que l’Etat paie deux fois en rachetant aujourd’hui ces logements. Malgré cet échec patent, vous persistez et recentrez le dispositif en laissant croire qu’il aura ainsi des conséquences différentes. C’est une aberration qui se fera au détriment des finances de l’Etat et du contribuable. Dans son chapitre IV relatif à la mobilité dans le parc de logements, le projet de loi essaie également d’opposer les locataires entre eux et de culpabiliser une frange, au demeurant infime, de la population des HLM. Ainsi, tout est fait pour rendre de plus en plus contraignantes les obligations des locataires, par le durcissement des conditions de maintien dans les lieux et l’augmentation importante du surloyer en cas de dépassement du plafond de ressources. Ces mesures n’apportent en rien une réponse à la question du déficit de logements sociaux ! Nous nous opposons fermement à cette remise en cause de la mixité sociale du parc HLM qui transforme les cités en zones de relégation des familles les plus modestes et oblige les classe moyenne à aller habiter ailleurs quitte à s’endetter lourdement ! En cas de sous peuplement les locataires pourraient être contraints d’accepter des logements qui ne leur conviennent pas à des loyers encore plus chers. Ceux qui aujourd’hui arrivaient encore à pouvoir assumer un loyer risquent de se retrouver eux aussi en grande difficulté ! Alors que le rapport Pinte mais également le comité de suivi du DALO et de nombreuses associations qui défendent le droit au logement pointent la nécessité de mettre en oeuvre une politique de prévention des expulsions, le projet de loi ne trouve rien de mieux que de raccourcir les délais d’expulsions en ignorant totalement et volontairement la question du relogement des personnes placées dans de telles situations de détresse. Le peu de temps dont je dispose dans la discussion générale m’a conduite à n’aborder que certains points du projet, les autres dispositions sont tout aussi néfastes pour le devenir du droit au logement. Et nous y reviendrons plus en détails lors des débats ! Si l’on veut que l’intérêt général soit au coeur des préoccupations en matière de logement, il faut que l’Etat soit à nouveau en situation de jouer pleinement son rôle sans discrimination ni recherche de pure opportunité. Or, ce projet de loi entend régler les défaillances de l’Etat, en matière d’offres de logement social, en réduisant artificiellement le nombre de personnes pouvant y prétendre y accéder sans jamais proposer de solutions aux personnes exclues du parc social. Madame la Ministre, votre projet de loi montre à quel point l’Etat a renoncé à sa mission sociale et abandonne nos concitoyens mal logés, sans logement ou logés dans des conditions insupportables. Pire encore ce projet de loi va aggraver la situation de bon nombre d’entre eux. Vous comprendrez dès lors que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’opposent fermement à ce texte ! |
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