Les cheminots de l’Union européenne manifestent aujourd’hui à Paris pour exiger l’arrêt de l’ouverture à la concurrence. Ils demandent « une évaluation indépendante » de son bilan.
Plus de 25 000 cheminots venus de tous les pays membres de l’Union européenne sont attendus aujourd’hui à Paris. À l’appel de la section ferroviaire de la Fédération européenne des transports (ETF), ils manifesteront cet après-midi entre la place de la Bastille et Montparnasse pour dire « stop à la libéralisation ». Les organisations syndicales de cheminots que fédère l’ETF demandent particulièrement l’abandon du projet de la Commission européenne d’imposer la séparation de la gestion des infrastructures et des exploitations ferroviaires. Selon Bruxelles, l’actuelle organisation ferroviaire fondée sur la gestion du réseau par les opérateurs historiques comme la SNCF ou la Deutsche Bahn est un obstacle à la libre concurrence car elle confère à ces derniers un avantage sur leurs concurrents. Cet avantage reste à démontrer. Le montant des péages dont doivent s’acquitter les opérateurs pour faire circuler leurs trains n’étant pas déterminé par l’exploitant gestionnaire.
MISE AUX ENCHÈRES
Pour les opposants à la libéralisation, cette mesure aura surtout pour conséquence de provoquer le démantèlement des opérateurs historiques en poussant à la filialisation de la gestion de l’infrastructure. Cette filialisation aboutira, selon l’ETF, à gérer les réseaux ferroviaires nationaux de manière à générer des profits et non plus à satisfaire les besoins en transports. Les syndicats craignent à terme une mise aux enchères des sillons qui seront attribués au plus offrant, au mépris de l’intérêt général et du service public.
Outre que soit stoppée cette nouvelle étape dans la libéralisation, l’ETF revendique que soit réalisée « une évaluation indépendante » de l’ouverture à la concurrence du rail engagée au début des années 1990. Selon les syndicats européens, celle-ci, contrairement aux promesses de ses zélateurs, n’a pas permis de développer le ferroviaire. Bien au contraire, elle a contribué à son affaiblissement. Sur le plan environnemental, le bilan est catastrophique.
Alors que réchauffement climatique impose de favoriser les modes alternatifs à la route, la part modale du train en matière de transport de marchandises en Europe ne cesse de régresser. Entre 1996 et 2004, elle est passée de 19,6 % à 16,4 %. En moins de dix ans, ce sont 115 milliards de tonnes par kilomètre qui ont été transférées quasi totalement vers le transport routier. La libéralisation du fret ferroviaire en 2006 a aggravé le phénomène. À titre d’exemple, les restructurations conduites par la SNCF pour se préparer à ce nouveau contexte ont conduit à une baisse de 15 milliards de tonnes par kilomètre du volume de marchandises transporté par l’entreprise publique entre 2000 et 2008. Selon l’entreprise publique, ses nouveaux concurrents n’auraient réussi à capter que 10 % des trafics perdus.
UN BILAN CALAMITEUX SUR LE PLAN SOCIAL
Sur le plan social, le bilan de la libéralisation est tout aussi calamiteux. L’emploi cheminot a fortement régressé en particulier dans le fret. Sur les 3 750 suppressions d’emplois effectuées à la SNCF entre 2000 et 2004, les trois quarts ont concerné cette activité. L’ouverture à la concurrence aboutit également à la remise en cause des systèmes de protection sociale et à la dégradation des conditions de travail. C’est ainsi, « au nom de la compétitivité », que la SNCF tente de remettre en question le statut des agents et à allonger en particulier le temps de travail des conducteurs (voir encadré). Sur le plan européen, le patronat ferroviaire s’emploie à obtenir l’alignement de la réglementation sociale de la branche sur celle du transport routier, incomparablement moins favorable aux salariés.
Les usagers sont également les grands perdants de la libéralisation. Dans les pays où elle est le plus avancée, les tarifs ont augmenté. Enfin, l’ouverture à la concurrence a conforté la recherche de rentabilité comme critère principal de gestion des opérateurs ferroviaires, provoquant fermetures de lignes, suppressions de dessertes et dégradation des conditions de circulation.
Pierre-Henri Lab
site de l' Humanité
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