Organisation et régulation des transports ferroviaires
Par Mireille Schurch - 19 Février 2009
La grande manifestation du 29 janvier qu’ont approuvée 70 % des Français a exprimé une grande inquiétude, voire de la colère. On annonce 290 000 licenciements en 2009 et ni le plan de relance ni les annonces du Président de la République hier n’ont rassuré. Les 320 milliards du premier plan ne sont allés qu’aux banques, lesquelles, comme les grandes entreprises du CAC 40, continuent à annoncer des profits. Les 13,9 milliards de bénéfice de Total ont quelque chose d’indécent.
Mme Nathalie Goulet. - Et les salariés ?
Mme Mireille Schurch. - Nombre de salariés sont victimes de la crise mais le Gouvernement poursuit sa politique contre les droits sociaux. Il traite l’hôpital comme une entreprise, diminue les services publics, met à mal le statut des enseignants-chercheurs, supprime des postes de Rased et poursuit une réforme du lycée qui ne rencontre que l’incompréhension. Poursuivant la réforme de la carte judiciaire, il va supprimer 44 tribunaux des affaires sociales.
De cette fragilisation du monde du travail, de cette liberté factice d’aller gagner 200 euros par mois en Tunisie au service de votre ancien employeur, nous ne voulons pas ! Nous prônons une société solidaire dans laquelle on puisse affirmer son individualité. Voilà ce que notre législation doit traduire en organisant les services publics de la santé, de l’éducation et de la recherche, l’accès à l’eau et à l’énergie, ainsi que le droit à la mobilité. Ce dernier est essentiel pour l’accès aux services publics. La suppression programmée du tribunal des affaires sociales de l’Allier obligera les accidentés du travail et les invalides à faire 120 km pour défendre leur dossier tandis que la disparition de l’antenne montluçonnaise de la direction départementale de la jeunesse et des sports obligera les jeunes intéressés par le Bafa à se rendre à Moulins. Comment défendre ses droits dans ces conditions et comment se projeter dans l’avenir ?
Le projet ne répond pas à ces objectifs. Sous prétexte de transposition d’une directive, vous ouvrez encore plus le secteur à la concurrence. Dans ce contexte de grave crise, était-il si urgent de transposer le troisième paquet ferroviaire ? On l’a vu depuis 2006, le privé n’investit que sur les lignes rentables mais, pour rester compétitive, la SNCF va fermer 262 gares et l’on poursuit en justice les élus qui cherchent à s’y opposer. Nous ne sommes pas naïfs, ce projet annonce la lente agonie du service public des transports. Il ne règle pas les questions essentielles pour l’avenir.
Le Gouvernement fustige volontiers les grévistes mais en 2007, ils n’ont été responsables que de 3 % des perturbations : 97 % sont dues à des pannes sur les voies ou sur les matériels. Ce sont donc les coupes budgétaires qu’il faut dénoncer ! Le Gouvernement propose d’ouvrir à la concurrence pour que le privé puisse réaliser des bénéfices mais même le Medef le constate, l’état actuel du réseau interdit des initiatives portant sur les wagons isolés, ainsi que l’a montré l’échec de Proxirail dans le Centre. Dans ces conditions, il est illusoire de vouloir mettre fin à l’exclusivité de la SNCF sur les lignes à faible trafic. Le transport par wagon isolé, qui répond à l’intérêt général, est assuré par un opérateur de proximité ou par la SNCF et son groupe.
Je suis sceptique sur les partenariats public-privé pour financer les infrastructures ferroviaires. La Caisse de dépôts a rappelé la difficulté à trouver des crédits remboursables à court terme ; qu’en sera-t-il à trente ans ? On se rappelle que les premières compagnies privées ferroviaires ont fait faillite : le temps de l’investissement sur de telles infrastructures n’est pas celui du marché. La propriété et le contrôle publics sont indispensables à des infrastructures de qualité et respectueuses de l’environnement. Les partenariats public-privé ne doivent pas aboutir à traiter la sécurité comme un coût comme les autres. Pourquoi pas des emprunts publics qui ne seraient pas inclus dans la dette parce qu’il y va de l’avenir de la planète ? Les Européens ont bien su mettre de côté les critères de convergence face à la crise et un sujet aussi crucial ne doit pas être à la merci du marché et de la concurrence. L’autorité de régulation ferroviaire n’apporte aucune réponse en matière d’aménagement équilibré du territoire. L’ouverture à la concurrence n’a pas eu d’effet positif sur les prix. L’exemple britannique n’est pas encourageant mais il souligne les difficultés d’établir des correspondances entre les trains des différentes compagnies.
Peut-être les prix baisseront-ils sur les axes les plus fréquentés. Mais quid des lignes secondaires ? Les trains Corail, Lunea et autres trains interrégionaux dont le taux de rentabilité n’est peut-être pas faramineux assurent un lien indispensable entre les territoires. D’après M. Guillaume Pepy, l’entretien de ces lignes coûte 100 millions à la SNCF, qu’elle puise sur les bénéfices réalisés sur le TGV. La logique libérale privant l’entreprise de ces revenus, ces lignes pourraient être supprimées et le trafic reporté sur la route, ce qui est contraire aux objectifs du Grenelle de l’environnement et d’un aménagement équilibré du territoire. Si elles sont maintenues, la SNCF sera placée dans une situation inéquitable à moins que la libéralisation s’accompagne d’une compensation ou que des investissements soient également exigés des opérateurs. Sans quoi, la SNCF continuera d’être accusée de ne pas rendre un service public performant, ce qui justifiera à terme sa privatisation. De fait, ouvrir le secteur à la concurrence au moment où la SNCF doit consentir d’importants investissements, n’est-ce pas fausser les règles du jeu aux dépens de la SNCF ? Prenons le temps de la réflexion, investissons sur le réseau, confirmons la SNCF dans son rôle de gestionnaire délégué unique plutôt que d’agir de façon dogmatique, avec suppressions de lignes et réductions de personnel à la clé.
Au vrai, ce projet de loi met en péril le financement de l’ensemble du réseau. Il accentuera la désertification ferroviaire de l’Auvergne, du Limousin, du Centre et des régions de montagne pour saturer des lignes déjà surchargées. Cette politique est inacceptable tant pour les cheminots que les usagers et les élus locaux, de même que la privatisation de tronçons routiers nationaux et la réduction des droits du personnel navigant.
Partisans d’une société solidaire et du mieux-disant social, nous proposerons, par nos amendements, de garantir l’existence d’un transport public ferroviaire et de considérer les infrastructures de transport, gares et autres facilités essentielles, comme des biens publics. Ensuite, pour des transports sûrs, il est indispensable que les mêmes règles s’imposent à tous les opérateurs, notamment en matière de condition de travail des personnels, et que l’établissement public de sécurité ferroviaire soit indépendant de l’autorité de régulation. Enfin, nous suggérerons un plan d’urgence pour moderniser les infrastructures que l’État pourrait financer en lançant des emprunts publics ou, à l’instar de l’Allemagne, en reprenant la dette du propriétaire du réseau, soit celle de RFF. Construisons une Europe sociale ferroviaire qui réponde aux besoins des populations et des territoires dans le respect du Grenelle de l’environnement et des conditions de travail de tous les salariés du secteur !
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