mercredi 23 janvier 2008

60 ans après leur licenciement,les mineurs devant la justice .

Prud’hommes . Il y aura bien procès pour examiner le préjudice subi par les mineurs grévistes en 1948. Ainsi en a décidé hier le tribunal de Nanterre.

La remontée dans le temps a finalement été programmée au 19 novembre prochain. Le tribunal de prud’hommes de Nanterre en a fixé la date hier, à l’issue d’une audience de conciliation infructueuse. D’ici la fin de l’année, les juges vont donc devoir se prononcer sur cette affaire des « gueules noires » du Nord-Pas-de-Calais, près de soixante ans après les faits. Du jamais-vu au niveau prud’homal. D’anciens mineurs ont en effet décidé de saisir la justice pour réclamer la reconnaissance d’un préjudice pour leur licenciement suite à la grève massive en 1948 dans les mines de charbon du Nord. L’affaire vise à faire reconnaître comme « discriminatoires ou tout du moins abusifs » ces licenciements, à une époque où le droit de grève était pourtant inscrit dans la Constitution depuis deux ans. Les dix-sept requérants -dont huit, décédés, sont représentés par leur ayant droit - demandent 60 000 euros chacun à la société publique Charbonnages de France, à laquelle s’est substituée depuis le 1er janvier 2008 l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).

L’événement remonte à l’automne 1948. Après un référendum de la CGT, la grève est déclenchée le 4 octobre pour s’opposer au démantèlement du statut des mineurs. Le gouvernement de Henri Queuille, lui, y voit un mouvement insurrectionnel dans le climat tendu du début de la guerre froide. Au bout d’une semaine, la réduction de la production de charbon impose des coupures de courant électrique dans tout le pays et le président du Conseil ordonne la réquisition du personnel des cokeries dépendant des houillères. Le lendemain, il caractérise à la radio la grève d’« insurrec- tionnelle ». Le ministre de lérieur socialiste de l’époque, Jules Moch, déclare que le Kominform aurait incité aux grèves pour saboter l’aide américaine du plan Marshall. Pendant ce temps, sur le terrain, le mouvement gagne les bassins de Lorraine, du centre et du sud de la France. Des affrontements très violents ont lieu à Saint-Étienne, Carmaux, Montceau-les-Mines et Alès, faisant des morts. D’autres grèves éclatent à Gaz et Électricité de Paris, à la SNCF et dans les ports. Le 18 octobre, le gouvernement fait appel aux réservistes et envoie les militaires occuper les puits.

La CGT décrète une grève illimitée de la sécurité. Les CRS sont autorisés à tirer sur les mineurs. Des grèves de solidarité tournantes ont lieu dans les ports et dans la sidérurgie. La répression bat son plein, comme le raconte aujourd’hui Me Tiennot Grumbach, membre du collectif d’avocats spécialisé dans les discriminations qui plaidera au procès le 19 novembre. « Plusieurs centaines de personnes furent emprisonnées et 3 000 furent licenciées. Pour les mineurs, être licencié signifiait qu’ils perdaient leurs indemnités de chauffage et de logement. Des vies entières ont ainsi été cassées. » Le 29 novembre 1948, la CGT appelle à la reprise du travail.

Christelle Chabaud

l' Huma du 22 / 01 / 08

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