mardi 5 février 2008

L'autre casserole de la Société générale .

Justice . La banque est mise en cause dans le procès dit du « Sentier II », vaste trafic de chèques entre France et Israël, estimé à un milliard de francs.

Tunnel judiciaire pour la Société générale : alors que la deuxième banque du pays voit débarquer dans ses coursives deux juges d’instruction chargés de faire la lumière sur le trou béant de 4,9 milliards d’euros laissé par l’un de ses traders, son état-major est convié, aujourd’hui, à se présenter devant la 11e chambre du tribunal correctionnel. Dans le procès dit du « Sentier II », la Société générale et son PDG, Daniel Bouton, sont appelés à comparaître durant quatre mois pour « blanchiment aggravé ».

Quels sont les ressorts de l’affaire ? Elle repose sur un vaste trafic de chèques entre la France et Israël, mené entre 1996 et 2001, et initié par une centaine de commerçants du Sentier travaillant dans les domaines du textile et de l’intérim, avec la complicité d’une kyrielle de banquiers et de six rabbins. La méthode consistait en un montage financier frauduleux : des associations, censément caritatives et à « but non lucratif », recevaient des chèques émanant de généreux donateurs. Ces derniers, en aval, recevaient l’assurance de récupérer la moitié de leurs dons en monnaie sonnante et trébuchante. Pour ce faire, les chèques émis étaient présentés dans des bureaux de change en Israël, pays dans lequel était non seulement autorisé leur endossement mais qui avait comme second avantage d’empêcher toute traçabilité. Près d’un milliard de francs (soit 152,5 millions d’euros) auraient ainsi transité entre les banques israéliennes et des « banques correspondantes » en France. Parmi elles, la Société générale (qui aurait reçu 20 % des fonds, soit 46 millions de francs, soit 7 millions d’euros), la Société marseillaise de crédit, la Barclays France et la Banque nationale du Pakistan. Conséquence, toutes les quatre sont accusées d’avoir contribué à ce blanchiment.

Selon une stratégie de défense décidément très en vogue, la Société générale conteste les faits en prétendant qu’elle n’avait aucun pouvoir de contrôle - pour cette fois - concernant la circulation des chèques. Daniel Bouton et plusieurs cadres de la banque, qui font partie des 138 personnes physiques renvoyées devant le tribunal, devront s’en expliquer à la barre. PDG de l’établissement bancaire depuis 1997, après avoir été son directeur général, Daniel Bouton est soupçonné d’avoir laissé prospérer un système et ses bénéficiaires. Par la voix de ses avocats, le prévenu assure ne pas avoir eu « connaissance » de la manigance.

Pourtant, l’enquête a pointé un certain nombre « d’incidents » qui auraient dû conduire la banque à réagir. À l’image de cette trentaine de chèques volés en France, en janvier 1998, endossés au profit de l’Israël Discount Bank et transmis à sa « correspondante », la Société générale.

Même si l’instruction a pointé le « caractère sommaire » du système de contrôle des chèques, confié à des intérimaires en sous-effectif et peu qualifiés, des dossiers retrouvés, lors de perquisitions dans les services commerciaux, ont montré que le problème des chèques volés remis à l’encaissement était connu de la Société générale. Ainsi, une note, non signée, adressée le 15 novembre 2000 au conseil d’administration de la banque, était intitulée « Affaire du Sentier : risque de mise en examen de la Société générale pour blanchiment ». Mais c’est seulement le 10 janvier 2002 que la banque décidait de suspendre - provisoirement - le traitement des chèques remis pour encaissement par les banques israéliennes.

Sophie Bouniot

l' Huma du 04 / 02 / 08

Aucun commentaire: