Un rapport du Sénat épingle l’incoordination des politiques économiques et souligne les effets désastreux de la concurrence fiscale.
Un processus « d’hypercompétition » entre les États, la menace d’une « guerre économique » qui pourrait conduire à une « dislocation » de la construction européenne : le rapport d’information des sénateurs Joël Bourdin (UMP) et Yvon Collin (RDSE) sur « la coordination des politiques économiques en Europe » brosse un diagnostic pour le moins alarmiste de la situation de l’UE. Un état de fait qu’ils mettent sur le compte d’une « incoordination » des politiques économiques des États membres et même d’antagonismes qui, préviennent-ils, iront, sans intervention politique, en s’aggravant.
L’Europe, constatent les rapporteurs, « sangle » les politiques budgétaires, seul instrument « immédiatement maniable » pour les États, redouble, au détriment de la croissance, les « politiques de compétitivité sociale et fiscale », tout en abandonnant à la seule Banque centrale européenne, gardienne de la seule stabilité des prix, la définition de la politique monétaire. Prenant acte de « l’échec » de la stratégie de Lisbonne qui visait, par un programme de réformes libérales, à faire de l’UE l’économie la plus compétitive du monde, ils soulignent également les effets néfastes, pour la croissance, des politiques de désinflation compétitive qui, par une baisse drastique des coûts salariaux, plombent la demande intérieure et attisent une concurrence sociale. « En réduisant les gains salariaux, insistent-ils, ces politiques altèrent une des incitations essentielles au travail. >>
Le résultat : des performances économiques bien pâles au regard de celles d’autres grands ensembles, comme les États-Unis et la Chine, et, selon les termes des rapporteurs, « des pertes importantes de bien-être redoublées par l’incapacité des États à réagir à des chocs négatifs du fait du carcan imposé aux politiques économiques ».
« Le passif l’emporte, et de très loin, déplore le rapport en conclusion. Les enjeux d’un redressement sont considérables. Il s’agit rien moins que de la survie de l’Union européenne. » Au chapitre des réponses, les rapporteurs promettent de formuler à l’avenir « des propositions concrètes » et invitent la France à mettre à profit la présidence de l’Union, qu’elle exercera à partir du 1er juillet 2008, pour « formuler des propositions propres à sortir l’Europe de la concurrence des politiques économiques à laquelle elle se livre sans profit pour elle et au détriment de ses projets ». Problème : le carcan imposé aux politiques économiques critiqué ici est entériné par le traité de Lisbonne. Un texte que les sénateurs Bourdin et Collin se gardent de mettre en cause.
R. M.
l' Huma du 14 / 12 / 07
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