Un système de solidarité nationale fondé sur l’effort de reconstruction d’un pays en ruine à la Libération a permis à la France de se redresser puis de rester un pays riche et développé.

S’attaquer à un élément fort du contrat social suppose quelques précautions oratoires. La chose est particulièrement vraie quand, à peine un an après le temps des promesses, revient en boomerang celui d’un profond mécontentement social sur lequel on avait surfé et qui n’avait jamais disparu depuis le retour de la droite au pouvoir à la faveur de 2002.

Désormais, dans la chute inouïe dans les sondages d’un président un an après son élection, les retraités prennent leur part. L’aumône qui leur est faite, après le double racket du 1,1 % de revalorisation des pensions au 1er janvier et de l’assujettissement d’une partie des personnes âgées dépendantes à des cotisations patronales sur l’emploi d’aide à domicile, est un outrage supplémentaire. La première phrase de la note établie par le ministre du Travail indique donc toute la contradiction de la situation : “ Les Français sont très attachés à leur système de répartition ”. C’est bien là tout le problème.

Le mensonge principal du gouvernement est qu’il ne veut pas sauver les retraites par répartition, mais bien faire de ce dossier un élément parmi d’autres de son offensive sur les droits des salariés, en activité, au chômage ou à la retraite. Prétendre développer “ l’emploi des seniors ”, en ciblant en premier “ les salariés ayant eu une longue carrière et de faibles revenus ”, est déjà tout un programme de société.

Alors que le MEDEF fait durer les négociations sur la pénibilité, c’est précisément aux salariés ayant eu à exercer les travaux les plus durs que l’on va demander de mourir au travail. “ Le relèvement progressif des conditions d’âge pour bénéficier d’une dispense de recherche d’emploi ” va avoir pour effet immédiat de faire tomber ces salariés âgés sous le couperet des autres mesures que prépare le gouvernement : obligation d’accepter un emploi payé à 70 % de son précédent salaire et situé à deux heures de chez soi sous peine d’être radié. Quant au financement, le gouvernement prévoit de le faire peser encore un peu plus sur les cotisations des salariés et sur la branche famille de la Sécu. Bref : ” Salariés, payez encore plus des retraites que vous ne prendrez pas ! ”.

L’autre mensonge porte sur le chiffrage. À ne retenir que l’enjeu, bien réel, de la part de plus en plus importante des plus de soixante ans dans la population d’ici à 2030, le gouvernement escamote une donnée essentielle : l’évolution des richesses créées qui permettent ou non d’y faire face. Si la part du PIB affecté aux retraites était de 5 % en 1960 et de 12 % en 2007, elle devrait être de 18 % en 2040. Or, si les richesses créées ont doublé entre 1960 et 2007 pour atteindre 1 500 milliards d’euros, elles devraient encore doubler dans la période à venir pour s’établir à 3 000 milliards d’euros en 2040. Toute la question dans cette affaire, comme sur toute la politique de cette majorité de droite, est de savoir si l’on va établir une autre répartition de ces richesses ou bien continuer à faire payer au plus grand nombre le choix que leur écrasante majorité soit accaparée par le tout-financier.

On voit bien là, rétrospectivement, que l’attaque contre les régimes spéciaux de l’automne était bel et bien le prélude à une nouvelle offensive contre l’ensemble des salariés. L’affaire est “ gravissime, estime la CGT. En effet, ce 1er Mai vient de trouver une cause supplémentaire de nourrir ses cortèges.

Et les syndicats, comme la gauche, sont face à leurs responsabilités dans ce débat de société.