La montée des antagonismes entre les États-Unis et la Russie, sur fond de lutte pour le contrôle des ressources d’hydrocarbures, est à l’origine du conflit.
Le conflit géorgien constitue une nouvelle phase du bras de fer que se livrent Russes et Américains dans la région depuis plus de quinze ans. Considérant les régions d’Asie centrale et du Caucase comme des lieux hautement stratégiques, les États-Unis et leurs présidents successifs ont entrepris un effort considérable pour s’implanter dans toutes les ex-républiques soviétiques. Ce qui n’a pas manqué d’inquiéter naturellement le Kremlin, soucieux d’éviter un démantèlement de la Fédération de Russie après celui de l’URSS. Et fait resurgir, à sa manière, le spectre du « grand jeu » du XIXe siècle entre les empires tsariste et britannique pour le contrôle de ces régions d’intense transit commercial, riches en ressources naturelles.
Ces frictions se sont d’autant plus exacerbées dans la dernière période que Vladimir Poutine et les dirigeants russes se montrent déterminés à faire réémerger une puissance russe à l’aune de la montée en régime d’un capitalisme national très débridé.
Le conflit géorgien illustre cette montée des antagonismes et sans doute un certain rééquilibrage des rapports de forces entre les deux empires. Il est d’autant plus dangereux pour la paix de la région et de la planète que les deux protagonistes n’hésitent pas à instrumentaliser des aspirations nationalistes ou sécessionnistes pour parvenir à leurs fins. Ce sont ces peuples qui habitent le pays, qu’ils soient géorgiens, ossètes ou abkhazes, qui constituent donc aujourd’hui les principales victimes de cet affrontement des empires.
Le forcing américain pour s’implanter sur tout le flan sud de la Fédération de Russie vise un double objectif géostratégique. Mettre en place, d’une part, un « containement » des puissances russes et chinoise et contrôler, de l’autre, une région très riche en hydrocarbures. Les gisements de la mer Caspienne sont considérés par les spécialistes comme abritant des réserves d’or noir parmi les plus importantes de la planète.
Washington est parvenu dès le tournant de l’an 2000 à installer tout un réseau de bases militaires dans plusieurs pays d’Asie centrale comme le Tadjikistan, le Kirghizistan ou l’Ouzbékistan, tissant des relations privilégiées avec toute une série de potentats locaux souvent bien éloignés - à l’instar de l’Ouzberk, Islam Karimov - des préceptes droits-de-l’hommistes, si fortement avancés pourtant en d’autres endroits pour justifier une intervention ou placer simplement un pays dans la catégorie des alliés, des partenaires fiables, potentiels ou des voyous. Un effort analogue a été déployé dans le Caucase pour compléter le dispositif. En tentant d’étendre au besoin le périmètre de l’OTAN.
Sur la question du contrôle des ressources d’hydrocarbures, devenue évidemment encore plus sensible aujourd’hui après l’explosion des cours et la conviction qu’à moyen terme s’annonce une pénurie de cette matière première, la Géorgie joue un rôle décisif. Le rattachement du pays au « bloc occidental » constitue en effet le moyen d’assurer un transit du gaz et du brut de la mer Caspienne directement vers les marchés occidentaux (voir notre carte).
Jusqu’en 2005, une grande partie de ces hydrocarbures transitait par la Russie à travers des oléoducs aboutissant au port de Novorossisk, sur la mer Noire. Depuis lors, la construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), dont le terminal aboutit directement sur la Méditerranée, et d’un gazoduc du Caucase-Sud (South Caucasus Pipeline, SCP) permet en effet de contourner la Russie et renforce donc d’autant la position stratégique acquise par la Géorgie. Dans une conception des rapports internationaux qui date d’un autre siècle.
Bruno Odent
l' Huma du 14 / 08 / 08
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