Par Régis TRILLES le samedi 21 février 2009, 17:29 - Sans-papiers - Lien permanent
Immigration . La petite communauté Emmaüs de Marseille Pointe-Rouge est sous le choc. Et elle n’est pas la seule. Mercredi, de Nice à Montpellier, en passant par la Cité phocéenne, une demi-douzaine de communautés ont fermé leur porte pour la journée, en signe de protestation. « Même quand l’abbé Pierre est mort, on ne s’était pas arrêté, pour continuer la lutte, raconte Kamel Fassatoui, responsable de cette communauté. Là, les compagnons n’étaient plus en état de travailler. Trop, c’est trop. »
Tout commence lundi, à onze heures. Hamid, l’un des 42 compagnons de la communauté de Pointe-Rouge, est interpellé dans la rue, lors d’un contrôle d’identité. En France depuis huit ans, cet Algérien de trente-cinq ans est en situation irrégulière. Il est embarqué. Quelques heures plus tard, le responsable de la communauté reçoit un appel de la police aux frontières (PAF) qui lui demande de venir dans ses locaux pour répondre à « quelques questions ». Mais une fois sur place, Kamel Fassatoui se voit signifier sa mise en garde à vue pour « avoir hébergé un sans-papiers depuis trois ans ».
Durant six heures, il va alors connaître un interrogatoire assez surprenant : « On m’a d’abord interrogé sur Hamid. Mais rapidement, les questions ont dérivé sur Emmaüs, notre chiffre d’affaires, nos donateurs, etc. J’ai eu l’impression qu’on m’interrogeait comme un chef d’entreprise faisant des affaires sur le dos des clandestins. » À quarante-neuf ans, ce père de deux enfants subissait là sa première garde à vue. « J’étais abasourdi. Après l’interrogatoire, je suis passé par la séance cachot. Ils avaient des instructions très précises, ça n’était pas une bavure. »
Et ce n’est pas tout. Face au refus du responsable de la communauté de livrer les noms des sans-papiers hébergés, les policiers organisent alors une perquisition de la communauté, sur ordre du parquet de Marseille. « Ils ont demandé tous les dossiers des "noms à consonance étrangère, hors espace Schengen" et les ont photocopiés », raconte Kamel Fassatoui. Quatre ou cinq personnes sont concernées. « Quand on accueille des personnes en souffrance, on ne leur demande par leurs papiers, poursuit le responsable. On leur dit : "Maintenant vous êtes tranquilles, vous allez pouvoir vous reconstruire…" On est garant de leur sécurité. Le gouvernement veut donner un signal très fort : les sans-papiers sont traqués partout, y compris à Emmaüs, qui était un espace sacralisé du temps où l’abbé Pierre était encore vivant. » Les personnes dont les dossiers ont ainsi été photocopiés ont depuis été mises en sécurité dans un autre lieu.
Dans un communiqué, Emmaüs France proteste vivement contre ces pratiques policières : « La criminalisation des centres d’accueil comme des communautés Emmaüs est inacceptable. Il s’agit de lieux où peuvent trouver refuge les personnes les plus démunies, quelles que soient la couleur de leur peau et leur situation administrative. » Une réunion interassociative était prévue, hier, à Marseille, pour décider des actions à venir. Hier après-midi, des responsables d’Emmaüs France étaient reçus au ministère de l’Immigration. Quant à Hamid, le juge des libertés a prolongé, hier, sa rétention de quinze jours. Emmaüs a fait appel de cette décision pour tenter d’empêcher son expulsion.
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