vendredi 1 février 2008

Fin de cycle à Marseille ?

UNE VILLE À LA LOUPE . Au pouvoir depuis treize ans, Jean-Claude Gaudin (UMP) est menacé par une gauche rassemblée et emmenée par le socialiste Jean-Noël Guérini.

Marseille,

correspondant régional.

Enfin, un match électoral à Marseille dont on ne connaît pas le score avant le coup de sifflet initial. La deuxième ville de France vit à l’heure de la première campagne municipale réellement indécise depuis le scrutin de 1983, qui vit Gaston Defferre - allié pour la première fois au PCF - garder « sa » mairie de justesse face à Jean-Claude Gaudin, son ancien adjoint et futur successeur. La guerre de succession qui avait suivi le décès, en 1986, avait laissé le PS exsangue, déroulant le tapis de l’hôtel de ville à Robert Vigouroux (socialiste dissident, puis divers gauche) en 1989, puis à Jean-Claude Gaudin (UDF, puis UMP) en 1995 et 2001. Après le cycle électoral présidentielle-législatives (56 % pour Sarkozy et six députés de droite sur huit), personne ne doutait vraiment - y compris à gauche - que le numéro 2 de l’UMP allait décrocher, sans coup férir, un troisième mandat. La surprise fut même quasi générale lorsque Jean-Noël Guérini, le président socialiste du conseil général des Bouches-du-Rhône, annonça, en septembre, sa décision de se lancer dans l’arène municipale. Quelques semaines plus tard, un sondage prédisait une large victoire (55 %) de l’équipe sortante. Au même moment, une enquête d’opinion réalisée par BVA pour le compte du PS laissait entrevoir, pour la gauche marseillaise, une lueur d’espoir : pour 60 % des personnes interrogées, « il faut changer en profondeur » l’action municipale.

À l’instar des primaires américaines, le thème du changement est, depuis, devenu l’astre autour duquel tournent toutes les listes. Jean-Claude Gaudin brandit comme autant d’amulettes les changements opérés depuis treize ans (lire ci-contre), mais, conscient des insatisfactions grandissantes des Marseillais, il en promet bien d’autres. Ainsi, la présentation de son programme, lundi dernier, a dessiné « en creux » le bilan de ce qui n’a pas été réalisé pendant treize ans. Exemple : le maire sortant promet désormais d’atteindre le seuil des 20 % de logements sociaux dans chaque arrondissement, alors que toutes les propositions de l’opposition municipale pour progresser dans ce sens ont été systématiquement rejetées lors des deux derniers mandats. Mais, plus qu’une lumière crue sur son action locale ou des critiques acerbes sur ces soudaines « découvertes » de la réalité marseillaise, le sénateur maire redoute une « nationalisation » du scrutin municipal. Que son adversaire de gauche renâcle, lui aussi, à sortir du « localisme », fût-il marseillais, n’en est que plus surprenant. Si le destin de la deuxième ville de France, la plus populaire, la plus pauvre, la plus polluée du pays, ne constitue pas un enjeu national, alors il faut d’urgence réécrire les manuels d’histoire politique…

« Gaudin, c’est le numéro 2 de l’UMP, le candidat de Sarkozy, avec une même conception de l’organisation de la société. La gestion du maire sortant s’inscrit dans le droit fil de celle menée par le gouvernement », souligne Jean-Marc Coppola, secrétaire de la fédération du PCF et candidat. Les communistes entendent en faire un argument fort dans une campagne dans laquelle ils viennent de plonger, après avoir trouvé un terrain d’entente avec Jean-Noël Guérini.

Là encore, pour la première fois depuis 1983, la gauche se présente, face aux électeurs, rassemblée (PS, PCF, Verts, MRC, PRG et même LO, la LCR ayant préféré constituer une liste avec les Alternatifs et des comités antilibéraux). Le programme sera officiellement dévoilé le 6 février, mais les lignes-forces apparaissent déjà : règlement en six mois du lancinant problème de la propreté (principale préoccupation des Marseillais), maintien de la vocation industrielle du port de Marseille, piétonisation du Vieux-Port, extension du métro jusqu’aux portes de la ville, respect de la loi SRU dans chaque secteur de la ville. Autant de déclinaisons concrètes d’une posture que le chef de file de la gauche définit, dans un livre récemment publié (1), comme le « refus du laisser-faire et du vouloir-peu ». Reste à convaincre-beaucoup.

(1) Marseille, le temps

du changement, par Jean-Noël Guérini et Jean Viard. Éditions de l’Aube. 206 pages, 6,50 euros.

Christophe Deroubaix

l' Huma du 31 / 01 / 08

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